Pieds-nus ou ferré, que faut-il choisir pour son cheval ?
“Pas de pied, pas de cheval.” Voilà une phrase que l’on entend bien souvent dans le milieu équestre et qui prouve l’importance de la santé du sabot pour nos chevaux.
Si le pied du cheval a toujours été une zone sensible pour lui, elle l’est d’autant plus depuis que ses conditions de vie ont évolué. Aujourd’hui le cheval de sport est amené à progresser sur différents terrains, que cela soit pour de l’entraînement, de la compétition ou simplement pour vivre en troupeau.
Ces changements nous laissent à penser que l’on doit nous aussi évoluer pour apporter les meilleurs soins à nos compagnons. Depuis quelques années, les méthodes et les pensées changent et pour beaucoup, les cavaliers souhaitent revenir à une équitation plus naturelle pour le cheval. Cette transition commence très souvent par retirer les fers de leurs chevaux.
C’est alors que LA question se pose : dans quelle mesure puis-je déferrer mon cheval ?
Nous essaierons dans cet article de vous aider à comprendre le rôle du fer et ses limites ainsi que les avantages et inconvénients (car oui il y en a) d’un pied nu. Pour ce faire, nous avons posé quelques questions à Baptiste Cottier, maréchal-ferrant podologue dans le Sud-Ouest de la France. Avant cela, un peu d’histoire !
Table des matières
1# D’où vient le fer à cheval ?
Il semblerait que le fer à cheval soit apparu au Moyen-Âge, lorsque les humains ont fait le choix d’utiliser l’animal comme outil de guerre ou pour de longs déplacements. Bien que la date n’ait aujourd’hui pas été attestée, nous sommes sûrs d’une chose : le fer dont on parle au Moyen-Âge, n’était pas exactement le même que le nôtre.
Fait entièrement de cuir, puis ensuite de métal, le fer a cheval a connu quelques transformations au cours du temps. Même si son origine est encore controversée, nous savons que les grecs l’utilisaient sous forme d’hipposandales en cuir lacées, tandis que les romains les forgeaient déjà en métal. Quoiqu’il en soit, au fil des années, ces 2 méthodes se sont montrées contre-productives, puisqu’elles engendraient une locomotion du cheval plutôt lente. L’utilisation du fer était alors occasionnelle.
Concernant sa réglementation, le premier traité sur la maréchalerie naît au XVIème siècle en Italie (« La manière de bien embaucher, manier et ferrer les chevaux »). C’est à ce moment que la maréchalerie commence à se codifier dans l’unique but d’avoir des chevaux parés au combat. Il faudra attendre, le XIXè siècle, pour que les observations soient prises en compte et que de nouvelles études et améliorations naissent pour améliorer le bien-être du cheval.
2# Pourquoi ferrer ?
De nos jours, le bien-être et les soins dispensés à nos chevaux sont devenus primordiaux, que cela soit pour l’optimisation du confort ou à des fins de performance. Au fil des années, nos pratiques et notre sport ont évolué, et ce, sollicitant toujours plus les pieds, tendons et ligaments de nos chevaux. La ferrure s’est alors énormément développée, elle qui, dans l’esprit des cavaliers, est protectrice face aux chocs et changements de sols. Ferrer est devenu une habitude, mais est-ce indispensable ?
a) L’usure du sabot et la stabilité
Avant d’être domestiqués, les chevaux alternaient leur marche entre sol dur et mou. Aujourd’hui le cheval est contraint de marcher sur des sols moins spécifiques, à des rythmes imposés. Afin de protéger le sabot et l’usure anticipé des sabots, il est nécessaire de parer pour le confort des chevaux.
Les chevaux sont exposés à évoluer sur des sols tous très différents et plus ou moins agressifs pour les sabots. Entre sable, terre, cailloux et goudron, les pieds peuvent très vite se détériorer, d’autant plus au niveau de la corne, ce qui limitera le cheval dans ses mouvements. C’est pour cela que la qualité du parage est importante. Un parage trop court sur certains sols peut mettre le cheval en mauvaise posture, il aura peur de se faire mal et fera preuve de retenue à chaque pas.
Le fer sert donc à protéger le parage de la corne en contact avec le sol, ce qui permet de diminuer la sensibilisation sur les différents terrains (comme les graviers par exemple). Il évite également que le pied se déforme lors de chocs, comme lors d’une seime* par exemple.
b) Une fonction orthopédique
A l’époque, de bons pieds étaient indispensables à la survie du cheval, sans ça, il ne pouvait pas subvenir à ses besoins. Depuis quelques années, la qualité des pieds n’est plus ce que l’on regarde en premier lieu chez le cheval. Même lors de reproductions, l’étalon ayant un bon coup de saut ou de bonnes allures est bien plus recherché que celui qui a de bons pieds.
Pourtant, il faut le reconnaître, les pieds du cheval se sont fragilisés au fur et à mesure des années. Aujourd’hui le sabot est beaucoup plus petit qu’il ne l’était auparavant, et les fers en sont responsables en grande majorité.
Aujourd’hui la maréchalerie orthopédique s’est fortement développée et la protection du sabot n’est plus la seule préoccupation du métier.
Un défaut de positionnement de l’aplomb avec un cheval panard ou cagneux, est bien souvent la cause de nombreuses blessures, boiteries ou trébuchement. Le développement d’une maladie naviculaire, une fourbure, un mauvais mouvement du pied ou encore un poids mal réparti sont les causes d’une usure prématurée au niveau articulaire, musculaire ou ligamentaire.
Pour contrecarrer ça, de nombreux fers orthopédiques ont alors été conçus afin de soulager le cheval et de protéger le sabot. Ces nouvelles ferrures permettent de changer l’appui du pied, et cela dans l’unique but de travailler son cheval en prévenant des boiteries.
c) La sécurité du cheval comme du cavalier
Le cheval, dans sa morphologie, met 80% de son poids vers l’avant et 20% sur son arrière main. Lors du saut, s’il saute 1 mètre, il doit amortir aux alentours d’1 tonne à la réception de l’obstacle. Pieds-nus, cela peut entraîner un mauvais mouvement du boulet, qui parfois, touche le sol à la réception. Autant vous dire que cela crée de grosses pressions sur les tendons et les ligaments.
Avec une ferrure adaptée, une paire d’oignons, et un fer davantage reculé, le pied sera légèrement relevé et par conséquent, le boulet aura tendance à beaucoup moins descendre.
Enfin, lors des compétitions de CCE, il n’est pas rare d’apercevoir des crampons apposés à la ferrure des chevaux. Cela leur permet de ne pas glisser aux contacts des différents types de sols que le cross leur impose, d’autant plus par temps boueux. Les crampons évitent donc les chutes du cheval, comme celles du cavalier.
d) Avantages / Inconvénients
Pour en savoir plus : LES 10 QUESTIONS QUE VOUS VOUS ÊTES FORCÉMENT POSÉES SUR LA FERRURE CHEZ LE CHEVAL
3# Quand laisser son cheval pieds-nus ?
De plus en plus de cavaliers ont franchi le cap de déferrer leurs chevaux ces dernières années. Cependant, attention, laisser un cheval pieds-nus ne se présente pas à tout le monde. Même si l’acte part d’un bon sentiment, repasser pieds-nus après tant d’années de ferrage est une réelle épreuve pour le cheval. Alors, quelles sont les choses à savoir et les précautions à prendre ?
a) Un environnement adapté
La possibilité de laisser un cheval pieds-nus dépend dans un premier temps de ses conditions de vie et de l’environnement dans lequel il évolue. Rappelons que le parage sert au confort du cheval afin de l’aider à se déplacer sur différents sols.
Prenons l’exemple d’un cheval qui vit au pré et travaille sur une carrière de sable. Selon la région, déferrer est envisageable. Dans des départements comme les Landes (40), où la terre est argileuse ou sablonneuse, un cheval n’aura aucun problème à marcher pieds-nus. En revanche, dans d’autres régions, avec davantage de cailloux, le passage du fer au pied-nu risque d’être très délicat voire même impossible.
Autre critère à prendre en compte : la vie en troupeau. Les chevaux sont grégaires mais il arrive parfois qu’ils se blessent les uns les autres. Il est alors plus que recommandé de déferrer son cheval de l’arrière lorsque celui-ci vit en groupe afin d’éviter les blessures trop importantes.
b) La charge de travail
La charge de travail est aussi un indicateur qui pourra peut-être vous guider vers la meilleure alternative pour votre cheval.
Pour un cheval qui ne travaille pas régulièrement, être pieds-nus n’est pas une tare. S’il travaille peu, il usera peu ses pieds. S’il n’a pas l’occasion de circuler sur des sols goudronnés, c’est encore mieux, cela évite l’abrasion !
Le cheval de sport, lui, va effectuer des mouvements peu naturels sur des sols plus “durs”. Il risque d’user prématurément ses pieds et ses articulations lors de ses sessions intensives de travail. Entre trotting, travail en carrière et concours, l’extérieur n’est pas toujours idéal et il est difficile pour un cavalier de compétition de garantir le meilleur sol à son cheval lors des déplacements.
En bref, la charge de travail et le type de sol sont des facteurs qui influent sur l’usure du pied. Il est important de s’adapter aux besoins du cheval et à son rythme.
c) Déferrer à l’arrière
L’usure des sabots est deux fois plus importante à l’avant qu’à l’arrière, le cheval met 80% de son poids vers l’avant. C’est pour cela qu’il n’est pas rare de voir des chevaux déferrer de l’arrière. Le but ici est de protéger seulement les pieds les plus à même de s’abîmer.
Attention, les premiers temps, le cheval sera tout de même plus sensible de l’arrière qu’un cheval ferré. Il ressentira alors davantage le sol et sera plus sensible aux chocs.
d) Des soins plus importants
Si l’on observe attentivement les pieds des chevaux de Grand Prix, certains performant sans fer. Comment est-ce possible ? Prenons l’exemple de Michel Hécart, fondateur de l’élevage de la Roque et propriétaire de la fameuse Caracole de la Roque. Ça vous dit quelque chose ? Caracole a tout raflé dans les Grands Prix ces derniers mois avec son cavalier, Julien Epaillard avant de partir pour les Etats-Unis.
Michel Hécart est en fait l’un des pionniers du déferrage de chevaux de sport. Il explique “qu’il n’y avait pas de raison que ça ne fonctionne pas dans le sport tant que le cheval a un pied solide qui joue son rôle d’amortisseur naturel”. L’éleveur raconte également qu’un maréchal-ferrant podologue est venu former ses grooms au parage pour qu’elles s’assurent du bon fonctionnement du pied.
En bref, déferrer un cheval de sport n’est pas impossible. Mais attention, si vous prenez la décision de retirer les fers pour améliorer la qualité de vie de votre cheval, il faut que vous le sachiez : un cheval pieds-nus demande plus d’entretien qu’un cheval ferré.
Il est important de faire les choses dans l’ordre et de ne pas se précipiter lorsque l’on passe un cheval pieds-nus. La corne retrouve une grande sensibilité, ce qui risque d’être inconfortable pour le cheval. Quelques mois d’adaptations et de repos sont alors à prendre en compte. Le travail doit diminuer voire s’arrêter et les sols sont à surveiller.
Côté soins, il est important de graisser régulièrement et de goudronner l’hiver. Si la fourchette du cheval pourrie, il n’aura pas les fers pour le protéger et sa fourchette touchera automatiquement le sol. Un fourchette pourrie en contact du sol, c’est de la douleur pour le cheval et des risques de boiterie.
Conseil du maréchal :
Baptiste Cottier – Maréchal Ferrant
« N’hésitez pas à faire une cure de biotine pendant cette période. Surveiller bien que le cheval
ne fasse pas de seime, au risque de devoir referrer pour éviter de futurs problèmes. »
e) Avantages / Inconvénients
Conclusion
Fers ou non, l’important réside dans le fait que le cheval soit à l’aise dans ses pieds. Le but de tous les cavaliers est d’offrir un vrai confort à son coéquipier et cela passe obligatoirement par un bon parage.
Le parage est légalement un acte chirurgical du pied, qui demande plusieurs années d’apprentissage. Il ne peut et ne doit pas être exercé par n’importe qui, car la podologie qui en résulte est très importante.
Une fois que l’on compare les avantages et les inconvénients des 2 méthodes, il en ressort qu’il semble encore très difficile aujourd’hui d’avoir un cheval de sport déferré des 4 pieds, à l’exception d’une écurie 5* où le cheval ne sera jamais en contact réel avec le sol.
Quoi qu’il en soit, cet article n’est pas à suivre au pied de la lettre. Chaque cheval a des besoins différents selon son rythme de travail, son environnement et sa morphologie. Seul votre maréchal sera apte à vous conseiller pour vous permettre d’offrir le meilleur à votre cheval.
A bientôt pour un prochain article.
Seime* : Fente de la paroi du sabot du cheval dans le sens des fibres et partant de la couronne, qui peut provoquer la boiterie. – Définition d’après le Larousse.
Sources:
Cheval Mag – » Quand le haut niveau enlève les fers »
Michel Vaillant – « Histoire de la Maréchalerie » – https://www.michel-vaillant.com/histoire-de-la-marechalerie
Bibliothèque Nationale de France – « La maréchalerie française : son histoire depuis son origine »