Comment j’ai amélioré mon trot assis
… et comment mon cheval m’en a remercié !
Cette semaine, je laisse la place à Pierre Beaupère, cavalier de dressage et enseignant en Belgique. Il va vous donner quelques pistes pour travailler ce fichu trot assis !
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Table des matières
Le trot assis, une punition ?
Entre les cavaliers qui voient le trot assis comme la pire des punitions, ceux qui tentent désespérément de s’accrocher à la selle avec leurs genoux tout en essayant de battre le record du monde d’apnée et ceux qui tentent de cacher qu’ils ne peuvent trotter assis que dans de toutes petites allures en se justifiant par le fait que leur cheval est rassemblé, ce fichu trot assis ressemble pour beaucoup de cavaliers à une torture et une frustration.
Régulièrement pourtant, nous prenons de grandes résolutions et nous décidons qu’il est temps d’être capable de trotter assis sans rougir (voire bleuir pour certains) ni avoir la sensation d’avoir les genoux sous le menton.
La tête remplie d’images de cavaliers qui parcourent des diagonales au trot allongé sans décoller de la selle, nous décidons qu’il est temps de nous y mettre. Et quelques secondes plus tard, alors que nous cherchons désespérément du pied nos chers étriers qui semblent avoir décidé de s’envoler pour le Danemark sans nous attendre, il faut nous rendre à l’évidence : nous n’avons aucune idée de la manière de nous améliorer…
Voici donc quelques exercices simples et efficaces pour vous aider à vous améliorer et à découvrir les joies de ne pas quitter la selle à chaque foulée sans jamais être certain de l’endroit où vous allez atterrir…
Oups …
Désolé.
Je veux dire, je sais que vous avez un grand sourire en pensant avoir enfin trouvé quelqu’un qui vous comprend et qui va vous aider à être parfaitement en place sans effort. Et je m’en veux presque de savoir par quoi vous allez devoir passer.
Car vous n’y échapperez pas, trotter assis sans vous fatiguer ni perdre vos étriers demande beaucoup de travail, d’effort, et de trot sans étrier… Mais plus important encore, il faut savoir où, quand, et comment placer vos efforts.
Le trot enlevé pour améliorer son trot assis
La bonne blague. Il nous parle de trot assis et il va nous faire trotter enlevé ! Pourtant, le trot enlevé est un excellent moyen de commencer à améliorer le trot assis en limitant au maximum votre fatigue et en épargnant le dos de votre cheval. Tant mieux, je vois votre sourire qui revient !
Donc, lorsque vous trottez enlevé, pensez à avancer très fort votre nombril vers l’avant.
Idéalement vous devez être capable de faire passer votre nombril devant vos épaules et qu’il devienne le point le plus en avant de votre corps. Pensez à le tirer vers les oreilles du cheval. C’est un exercice important pour la souplesse et mettre les différentes parties du corps en place.
A mon sens, le trot enlevé ne doit pas être vu comme un mouvement de bas en haut mais de la position assise vers l’avant. C’est au cheval à vous propulser hors de la selle. En prendre conscience est un excellent moyen de sentir la mécanique du mouvement du dos du cheval (plus tard, vous pourrez tester votre capacité à le sentir en essayant de trotter enlevé sans étriers…). Attention, avant même de vous essayer au trot assis, vous devez être capable de trotter enlevé sans effort ni fatigue.
A partir de là, un excellent moyen de travailler son équilibre et l’alignement vertical est de trotter debout sur les étriers. Je dis bien debout et pas en suspension car il faut que les épaules restent dans l’axe des talons, en tendant les jambes. Faites passer votre nombril vers l’avant jusqu’à ce que votre corps fasse un arc de cercle.
Tentez d’abord de marcher puis de trotter dans cette position sans retomber dans la selle. L’avantage étant qu’il est pratiquement impossible de rester debout si tous les « blocs » du corps ne sont pas parfaitement en place.
De plus, cela vous oblige à gérer votre équilibre malgré le mouvement du cheval. Attention à ne pas vous raccrochez à vos rênes quand vous perdez l’équilibre ! Pour cela, agrippez sa crinière.
Lorsque vous vous sentirez bien et en équilibre dans cette position et que vous serez capable de faire passer votre nombril très en avant comme sur la photo, vous pourrez jouer à insérer deux à trois foulées de trot assis au milieu de votre trot enlevé.
Le problème du trot assis est souvent que le cavalier s’assied à contrecœur. Il veut améliorer son trot assis mais n’a qu’une envie : se remettre au trot enlevé !
Un bon moyen d’éviter ce problème dans un premier temps, et d’éviter aussi le risque de se contracter très fort pour se protéger de l’inconfort, est de jouer à changer le pied sur lequel vous trottez enlevé. Vous passez alors un pacte avec vous-même : je ne fais que deux foulées de trot assis mais du coup je me laisse vraiment aller dans la selle, sans me raidir.
Faites donc quelques foulées de trot enlevé (autant que nécessaire pour vous sentir bien) puis hop, deux foulées assises pour changer le pied sur lequel vous trottez. Trot enlevé à nouveau et lorsque vous vous sentez bien, que vous sentez bien le rythme du trot, hop deux autres foulées de trot assis. Et ainsi de suite jusqu’à pouvoir alterner deux foulées de trot enlevé puis deux de trot assis puis deux enlevées puis deux assises pendant un ou deux tours de piste.
Etriers or not étriers, telle est la question
Certains Maîtres et entraîneurs ont beaucoup critiqué le travail sans étriers. Je crois qu’il est extrêmement bénéfique lorsqu’il est effectué selon deux conditions, qui rendent justement les critiques infondées :
1) Il faut travailler sans étriers non par principe mais en vue d’améliorer le travail avec étriers. Cela peut paraître trivial mais combien de fois ne vous a-t-on pas enlevé vos précieux étriers en vous laissant vous débrouiller et vous raccrocher comme vous le pouviez ?
2) Il faut que ce travail reste court mais fréquent. Que vous sortiez chaque jour un peu plus de votre zone de confort mais sans douleurs ni fatigue exagérées qui ne feraient que vous raidir encore plus.
Vous allez pour cela ne consacrer que les dix dernières minutes de votre séance au travail sans étrier et cela chaque fois que vous montez, lorsque vous aurez bien préparé et détendu votre cheval en vue de ce travail, afin qu’il en pâtisse le moins possible.
Première étape : Mettre la jambe en place
La plupart des cavaliers perdent leurs étriers parce qu’ils remontent trop les genoux et ferment trop l’angle entre la cuisse et le buste, ce qui a pour effet d’éloigner leur centre de gravité de celui du cheval et de les déséquilibrer encore plus.
Notre priorité sera donc de descendre la jambe.
Pour cela, tirez les pointes de pied vers le bas, le plus possible, comme si vous tentiez de toucher le sol… Plus que ça, je suis sûr que vous en êtes capable !
Pensez à une ballerine sur ses pointes, le but est de descendre au maximum les genoux et surtout que votre cuisse soit verticale par rapport au sol et dans l’axe de votre buste. Marchez quelques minutes dans cette attitude.
Ca vous tire les muscles des jambes ? C’est fait pour ça !
Deuxième étape : Clic-clac tout se met en place
Voilà la partie magique du jeu : dans cette position et SANS RIEN CHANGER AU HAUT DE LA JAMBE, pliez légèrement le genou et remontez votre pointe de pied, jusqu’à avoir la position que vous auriez avec les étriers.
Souriez !
Tendez les jambes à nouveau, tirez-les fort vers le bas, puis recommencez en gardant les pieds parallèles au ventre du cheval. Les photos devraient beaucoup vous aider.
Troisième étape : Avoir la sensation d’abaisser son centre de gravité
Il s’agit de la partie la plus compliquée. Faites-vous lourd dans la selle, sans pour autant changer la position du haut de votre corps. Allez chercher le contact de votre assiette (le triangle fait par les ischions et le périnée) avec le sternum du cheval. Imaginez que vous êtes un sac rempli de sable qui se vide lentement dans la cage thoracique du cheval.
Mettez toute votre concentration dans les sensations de vos fesses dans la selle, cela donne de très bons résultats.
Au trot !
Avant de partir au trot sans étrier, dans cette position, détendez- vous. Vraiment, ce n’est rien de si terrible…
Pensez à respirer profondément et calmement et surtout, cherchez l’équilibre entre la décontraction de votre corps (absence de raideurs) et la tension positive de vos muscles (qui vous permet de garder une bonne posture). Pensez à un athlète dans les starting-blocks avant un cent mètres, il est parfaitement décontracté mais tous ses muscles sont prêts à l’effort.
Laissez vos articulations fonctionner. Sentez vos hanches, vos coudes et le bas de votre dos s’articuler, sentez le jeu de chaque vertèbre, de chaque articulation.
Mettez beaucoup d’attention dans le haut de vos cuisses et le fait de laisser l’angle entre votre cuisse et votre buste le plus ouvert possible.
Sentez à quel point vos jambes sont lourdes, mais faites très attention à bien les garder dans une position parfaite.
N’hésitez pas non plus à vous pencher légèrement plus en arrière que d’habitude, cela dégagera votre bassin.
Concentrez-vous sur les mouvements du cheval et anticipez-les ! Sentez la première foulée du trot quand le postérieur pousse le dos vers le haut et prévoyez ce mouvement, comme une vague. Anticipez la phase descendante du trot et le fait que le dos va s’abaisser.
Et rappelez-vous : le trot assis est du trot enlevé sans sortir de la selle ! Ca vous fait rire ? Pensez que, même si vous êtes au trot assis, le mouvement du dos du cheval continue à aller de bas en haut et d’avant en arrière ! La vague reste la même…
Enfin, gardez à l’esprit qu’il ne sert à rien de vous épuiser. Lorsque vous êtes fatigué, vous allez vous raidir et il vous sera impossible de rester décontracté. N’habituez pas votre corps à être dans cet état. Je préfère 5 à 10 minutes de trot assis sans étrier chaque jour, qu’une fois par semaine pendant 30 minutes.
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Mon cheval est mon ami
Vous êtes super motivé et prêt à tout pour travailler au trot assis.
Mais attention, votre cheval passe avant tout.
Travailler sa position avec un cheval en déséquilibre, contracté ou en défense n’a aucun intérêt. Si votre monture n’est pas capable de se déplacer de manière régulière, en contact léger et constant avec la main, décontracté dans son corps et dans sa tête, c’est avant tout sur cela qu’il faudra vous concentrer, pour revenir ensuite au travail de votre position.
Zone de confort
Il nous faut encore parler de l’allure dans laquelle vous devriez travailler au trot assis mais aussi du degré d’inconfort acceptable pour vous.
Chaque cavalier devrait avoir une zone de confort, un trot, une attitude, dans laquelle il se sent (vaguement) bien. Si ce n’est pas le cas, votre première préoccupation sera de la mettre en place.
Le problème est que cette zone de confort n’est jamais « fixée. »
Plus le cavalier se complait dans son confort, moins il se force à sortir de la zone où s’asseoir est facile, plus cette zone va rapetisser et moins le cavalier se sentira à l’aise. Plus on se complaît dans le trot enlevé ou dans un trot trop raccourci, plus le trot assis paraîtra inconfortable.
La zone de confort est importante comme « base de lancement ». A partir de celle-ci nous allons progressivement repousser nos limites, chaque jour un peu plus loin, jusqu’à ce que nous nous sentions bien dans un trot de plus en plus ample et que nous soyons capable de rester assis dans une position correcte de plus en plus longtemps.
On peut comparer cela aux jeunes louveteaux qui s’éloignent chaque jour un peu plus de leur tanière.
Il en va de même avec le souffle. Si vous cherchez avant tout à ne pas vous fatiguer, n’ayez pas d’illusion : vous allez progressivement régresser et vous fatiguer de plus en plus vite.
Un petit témoignage …
Pour terminer et vous motiver, je voudrais très vite vous raconter l’histoire d’une de mes élèves, pour laquelle j’ai beaucoup d’affection.
Lors de nos premières leçons, il y a quelques années, elle parvenait à effectuer quatre à cinq foulées de trot assis. Elle avait beaucoup de volonté et ne se plaignait pas, mais on pouvait voir la souffrance sur son visage. Le simple fait de trotter assis lui coûtait énormément, au point que son visage dégoulinait littéralement de sueur après quelques tours de trot.
Je lui expliquai les principes de la zone de confort et de la manière de s’améliorer, sans être très convaincu qu’elle ferait ces efforts, car je savais qu’elle montait avant tout pour son plaisir et que son métier de chef d’entreprise l’occupait énormément.
Néanmoins, lorsque je la vis le mois suivant, elle me dit qu’elle avait fait ses exercices tous les jours. Bien sûr, à ce stade, aucune différence n’était encore visible.
Le mois suivant, elle me dit qu’elle avait commencé à faire attention, lorsqu’elle marchait ou se baladait dans la rue, à avancer d’un pas un peu plus rapide qu’à son habitude, pour sentir un léger essoufflement. J’étais vraiment heureux de voir qu’elle s’investissait autant. Elle me dit à quel point elle estimait le devoir à son cheval et qu’il était injuste de lui demander un effort si elle ne le faisait pas elle-même d’abord.
Lorsqu’elle arriva pour sa leçon suivante, quelque chose avait changé. Elle se tenait différemment, son visage exprimait quelque chose que je n’avais pas encore vu chez elle. Elle me dit qu’elle avait réfléchi et qu’elle trouvait que sa remise en forme n’allait pas assez vite. Et qu’elle avait donc décidé de se mettre au vélo durant ses temps libres !
Lorsque je la revis quatre mois plus tard, elle était transformée. Plus en forme que jamais, elle avait une silhouette sportive et ce n’est que lorsque la leçon fut terminée que je fus marqué par le fait qu’elle n’avait pratiquement pas trotté enlevé, mais qu’en plus je n’avais même plus pensé à faire des arrêts fréquents pour la laisser se reposer ! Elle était tellement en forme que je m’étais uniquement concentré à faire évoluer son cheval et que si j’avais fait quelques pauses, c’était pour que lui se repose !
J’espère que cela vous fera prendre conscience que tout est possible, et qu’avec la bonne technique et la volonté de ne pas abandonner, rien n’est inaccessible…
Bon travail !
Pierre Beaupère
Vous trouverez d’autres conseils pour améliorer votre position et la rendre efficace mais aussi pour améliorer l’équilibre, la légèreté et la décontraction de votre cheval dans le livre de Pierre Beaupère « EQUILIBRE ET RECTITUDE » en vente sur son site internet : www.prbdressage.com.
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