Tout ce qu’il faut savoir sur le pied du cheval
« Pas de pied, pas de cheval » dit le célèbre dicton. En effet, c’est le pied du cheval qui supporte tout son poids, et c’est lui aussi qui joue à la fois un rôle d’amortisseur et de propulseur. Voici quelques informations utiles et exercices pratiques pour mieux vous aider à surveiller les pieds de votre monture.
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Table des matières
Comprendre le fonctionnement du pied du cheval 👣
Pour la plupart des gens, le pied du cheval, c’est le sabot. Mais en réalité, c’est une structure un peu plus complexe que cela car il est constitué de plusieurs types de tissus : os, tendons, cartilages, vaisseaux sanguins, nerfs etc. Le sabot n’est que la boite cornée qui protège le pied.
Le sabot
Tout comme vos ongles, il est constitué de kératine, une structure suffisamment rigide pour protéger les structures internes du pied mais aussi suffisamment souple pour jouer un rôle d’amortisseur.
Comme vous avez du l’apprendre en révisant la théorie de vos galops (si, si, ce n’est pas si loin :)), le pied se divise en quatre régions : pince, mamelles, quartiers et talons [1].
Petite anecdote pour vous coucher moins bête ce soir. Ces noms traditionnels ont été transposés à partir de ceux des segments des fers (et pas l’inverse). La pince donne appui au “pinçon” (la petite languette du fer). La mamelle est la partie du fer qui, lorsqu’elle est martelée par le maréchal, fourni la matière au pinçon. Enfin le quartier est la partie par laquelle le fer est pris pour “faire quartier”, c’est à dire pour être retourné sur l’enclume lors de sa forge [2].
Lorsque le cheval est à l’appui, vous distinguez la paroi du sabot et lorsque vous soulevez le pied, vous distinguez différentes structures que vous connaissez bien :
La pousse de la paroi se fait de haut en bas car elle est sécrétée par le bourrelet principal au niveau de la couronne. La croissance du sabot s’appelle “l’avalure” et elle est environ d’1 à 2 cm par mois. Il faut donc une année entière pour avoir un renouvellement complet du sabot !
La partie interne
Le pied du cheval est constitué d’os, de tendons et de ligaments. Et oui, dans le sabot, il y a un os ! Anatomiquement parlant, ce pied ne correspond pas à notre pied à nous. Son squelette est constitué par les deux dernières phalanges (il y a 3 phalanges chez le cheval comme pour nous) complétées par l’os petit sésamoïde plus communément appelé os naviculaire. Cela correspond en fait anatomiquement à la moitié de nos doigts (voilà pourquoi on parle du “doigt du cheval”).
La mobilité du pied est assurée par des tendons qui font la jonction entre les os et les muscles. Chaque articulation est maintenue par une série de ligaments. Le pied est très vascularisé pour lui assurer une bonne oxygénation.
La structure du pied lui permet de pouvoir supporter les pressions lors d’efforts (réception des obstacles, courses, piaffer etc). Pour bien comprendre, lorsque le cheval pose son pied au sol, les talons viennent à l’appui. Ainsi et parce que la corne est souple, ils s’écartent, abaissant l’ensemble des structures du pied. La fourchette entre alors au contact du sol et permet l’amortissement [1].
Passons à deux petits “exercices” concrets pour vous permettre d’évaluer les pieds de votre monture :
Comment savoir si mon cheval a de “beaux pieds” ? 🤔
Il est important de savoir distinguer les défauts et les qualités des pieds de son cheval. En effet, ça a beaucoup d’impact sur sa locomotion et sur sa santé ! Voilà comment identifier certains de ces défauts.
Mettez votre cheval au carré et regardez ses pieds de face et de profil. Commencez par regarder ses antérieurs à l’appui. L’orientation du pied doit répondre au règles d’aplomb. La ligne suivie par la pince doit faire un angle de 47° à 53° avec l’horizontale (sortez votre rapporteur 📐📏).
La ligne de continuité entre le paturon et la pince doit être rectiligne.
Pour ce qui est de la taille, le pied doit avoir un volume moyen. D’ailleurs, on préfèrera un pied grand plutôt qu’un pied petit.
Vérifiez que les deux pieds antérieurs sont symétriques (c’est un critère incontournable de l’examen des pieds).
Enfin, regardez la qualité des structures du pied en le levant du sol. La paroi doit être dure, lisse et de couleur unie. La sole doit être assez concave. En fait un “pied plat” prédispose au chocs et donc aux bleimes. La fourchette doit être assez volumineuse, ferme et sèche.
Faites ensuite la même chose sur les postérieurs. Notez que les pieds postérieurs sont un peu différents des pieds antérieurs. De profil, ils ont une orientation plus verticale (inclinaison de 50° à 55° de la ligne de pince par rapport à l’horizontale). De face, il apparaissent moins évasés. Au lever, la fourchette est souvent moins large et la sole est nettement plus concave. [2]
Oups, je détecte une anomalie de la corne
C’est l’anomalie la plus facile à détecter. La corne peut présenter les défauts suivants [1] [4]:
- Pied gras ou tendre ou mou : la corne est molle (on observe souvent cela sur les pieds blancs). Vous pouvez essayer de graisser les pieds avec une graisse à base de goudron de Norvège pour les durcir.
- Pied sec : la corne est sèche, cassante et pousse peu. Vous pouvez essayer de graisser les pieds avec une graisse à base d’huile de foie de morue pour assouplir la corne.
- Pied humide : l’excès d’humidité est préjudiciable car il provoque une macération de la fourchette et favorise la prolifération des bactéries. Vous pouvez appliquer des pansements de coton imbibés d’une solution de sulfate de cuivre (communément appelée « liqueur de Vilatte »). Il existe bien entendu d’autres produits : demandez conseil à votre maréchal.
- Pied cerclé : la corne présente des sillons circulaires sur la paroi. Les causes peuvent être multiples et de gravités diverses : changement alimentaire, gestation, souffrance à répétition du pied, maladie générale, fourbure chronique, clou de rue etc. Prenez conseil auprès de votre vétérinaire pour identifier la cause et les soins qui en découlent.
Oups, je détecte une asymétrie
L’identification d’un pied atrophié est très souvent significative ! On observe alors un pied plus étroit et souvent plus haut (long) que le pied opposé. La pince est moins oblique, les talons sont plus longs et plus verticaux, la fourchette est plus étroite et moins descendue. Aussi, la sole est plus concave que sur le pied opposé.
Lorsque la présence d’un pied atrophié est acquise (c’est à dire que le cheval n’est pas né avec), elle n’indique pas nécessairement la présence d’une lésion dans le pied. Elle traduit généralement un soulagement (= très légère boiterie) chronique du membre correspondant, quelle que soit la localisation de la lésion [2].
Je m’explique. Admettons qu’un cheval ait eu une tendinite à l’antérieur gauche il y a longtemps et qu’une légère douleur persiste. Le cheval va naturellement mettre plus de poids sur l’antérieur droit pour limiter la douleur. Peu à peu, avec le temps, le pied gauche (moins sollicité) va s’atrophier.
Comment savoir si mon cheval a mal aux pieds ? 🤔
Après l’inspection, il est temps de passer à l’étape de palpation-pression. Evidemment, vous n’allez pas faire ça tous les jours pour le plaisir. C’est un examen à faire lorsque vous avez un doute (par exemple, si votre cheval boite).
Il y a trois choses à chercher :
- la chaleur
- la sensibilité
- le pouls
Indice #1 – La température du pied du cheval [2]
Il faut avoir un petit peu d’entraînement pour l’évaluer. Pour vous faire une idée de la température normale des pieds de votre cheval, posez votre main dessus (pied sec) lorsque tout va bien et mémorisez la sensation. Vous pouvez également comparer avec d’autres chevaux en cas de doute.
La température du pied (paroi et sole) a tendance à augmenter avec les affections aiguës (fracture, fourbure aiguë, abcès …) et à diminuer avec les affections chroniques (maladie naviculaire, syndrome podotrochléaire). Pour un abcès, une augmentation de la température à un endroit précis peut même permettre de localiser la lésion.
Notons qu’un parage excessif du pied par le maréchal peut faire augmenter la température de la sole.
Indice #2 – La sensibilité du pied du cheval [2]
Pour l’apprécier, il faut utiliser une pince exploratrice (c’est pour ça qu’en général, c’est le vétérinaire qui l’effectue).
Dix sites peuvent être testés :
- Réalisez une pression brève et moyennement intense sur les 8 zones suivantes : 1) pince interne – 2) mamelle interne – 3) quartier interne – 4) angle interne de la sole – 5) pince externe – 6) mamelle externe – 7) quartier externe – 8) angle externe de la sole.
- Réalisez une pression forte et prolongée sur les 2 zones suivantes (pour tester une sensibilité plus profonde de tissus moins innervés) : 9) lacune médiale de la fourchette – 10) talons (pression transversale).
Si vous observez une réaction douloureuse, il peut s’agir des lésions suivantes : abcès, bleime, fourbure, syndrome podotrochléaire / maladie naviculaire, fractures (de la 3ème phalange ou de l’os naviculaire).
En savoir plus : La maladie naviculaire
Indice #3 – Le pouls digité (ou digital)
Le pouls digité correspond à la fréquence de pompage du sang dans les artères (qui s’apparente donc à la fréquence cardiaque puisque c’est la pompe cardiaque qui envoie le sang dans les artères). C’est un indicateur fiable de ce qui se passe au sein du système vasculaire du pied du cheval. Cela permet donc de déterminer si il y a inflammation au sein de la boîte cornée (fourbure, abcès etc). Le pouls digité se prend sur une artère qui porte le nom barbare d’”artère digitale propre palmaire” situé en regard du paturon (il y en a deux : une de chaque côté).
Pour prendre ce pouls, poser l’index et le majeur sur le haut du paturon, légèrement à l’extérieur (ou à l’intérieur puisqu’il y en a 2) jusqu’à sentir des pulsations. Attention, n’utilisez pas votre pouce car vous risquez de sentir votre propre pouls et non celui du cheval.
Comment entretenir les pieds de mon cheval ?
Il est important d’effectuer des soins réguliers sur les 4 pieds de votre cheval, notamment pour éviter la macération et le développement des bactéries qui pourraient provoquer une pourriture ou des atteintes des pieds :
- Curage régulier et systématiquement avant et après le travail
- Lavage (paroi mais aussi fourchette sole) avec une éponge.
- Séchage (pour ne pas enfermer excessivement d’eau si on le graisse ensuite)
- Graissage avec un produit adapté. Lorsque l’on applique la graisse, il faut privilégier la couronne, lieu où naît la corne.
Pour tout problème particulier, demandez conseil à votre maréchal ou à votre vétérinaire.
A présent, le pied du cheval n’a plus de secrets pour vous et vous allez pouvoir effectuer une surveillance optimale de votre protégé.
En espérant que cet article vous a été utile,
A bientôt.
Marine Slove,
Vétérinaire et directrice produit chez Equisense.
Références bibliographiques:
[1] F. Grosbois, F. Cavé, J.M. Goubault « Le pied du cheval », Equipaedia, 2014. [En ligne]. Disponible sur :Equipaedia [Consulté le: 04-janv-2018].
[2] “Extérieur et examen physique du cheval”, CIRALE 2001, J.M Denoix.
[3] “Anatomie comparée des mammifères domestiques – Tome 2 Arthrologie et myologie”, R. Barone.
[4] “Etre cavalier, galops 5,6,7”, Ed. Charles Lavauzelle – Oct. 1995, C. Malen, L. Jacquey
Illustrations
Point by Creative Stall from the Noun Project
Pied cerclé et Pieds asymétriques : https://podologie-equine-libre.net/