7 bonnes pratiques alimentaire pour réduire les ulcères gastriques chez le cheval
La plus grande faiblesse du cheval est sûrement son système digestif et l’estomac se trouve en première ligne. Ce dernier est particulièrement sensible à un syndrome qu’on appelle les ulcères gastriques. C’est la gastroscopie, utilisée chez le cheval depuis le milieu des années 80 qui a permis de mieux connaître cette maladie et de réaliser qu’il n’y avait pas que les chevaux travaillant intensément qui pouvaient être touchés.
Table des matières
- Les ulcères gastriques, comment ça arrive ?
- Comment limiter les risques d’ulcères gastriques chez le cheval ?
- 1. Favoriser l’apport en fibres
- 2. Limiter les périodes de jeûne
- 3. Rester vigilant avec l’énergie glucidique (les “sucres”)
- 4. Privilégiez l’apport en matières grasses
- 5. Fractionner la distribution de la ration
- 6. Distribuer les repas à heure fixe
- 7. Gérer le planning de travail par rapport à l’alimentation
Les ulcères gastriques, comment ça arrive ?
L’estomac du cheval se divise en deux parties : la muqueuse squameuse en partie haute et la muqueuse glandulaire en partie basse. La sécrétion d’acide y est continue, même en l’absence d’aliments. Plus on va vers le bas de l’estomac, plus le contenu y est acide [1]. L’acidité est donc plus élevée sur la muqueuse glandulaire de l’estomac. Ça tombe bien car cette partie est plutôt bien pourvue en mécanismes de protection contre l’acidité.
En revanche, la muqueuse squameuse (celle du haut) est moins bien pourvue. Le maintien de son intégrité est donc complètement dépendant de son exposition limitée au contenu acide. Or, les contraintes liées à la domestication et à l’utilisation du cheval pour le sport influencent la régulation et l’impact de cet acide gastrique sur les parois de l’estomac, notamment de la muqueuse squameuse (celle du haut).
Par exemple, lorsque le cheval est à l’effort, ses muscles abdominaux se contractent, provoquant une augmentation de la pression dans l’abdomen. La pression alors exercée sur les parois de l’estomac est à l’origine d’une remontée du contenu gastrique vers le haut. Les sécrétions acides vont alors abimer la muqueuse squameuse, peu protégée. Lors de cette agression et en réaction pour se protéger un tant soit peu, la couche de kératine s’épaissit. Mais ce mécanisme de protection est vite dépassé quand l’exposition devient excessive. C’est alors que des ulcères apparaissent.
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Comment limiter les risques d’ulcères gastriques chez le cheval ?
Lorsque les ulcères sont installés, un traitement médicamenteux doit être mis en place par le vétérinaire pour réparer la muqueuse. Parallèlement, plusieurs mesures alimentaires peuvent contribuer à accélérer la cicatrisation des ulcères et à éviter les récidives. L’enjeu est alors de taille puisqu’il faut apporter suffisamment d’énergie pour couvrir les besoins nutritionnels du cheval tout en lui assurant une sécurité digestive optimale. Voyons donc les règles d’or pour limiter les facteurs de risque [2] !
1. Favoriser l’apport en fibres
L’herbe et les fourrages conservés (foin, enrubanné) vont favoriser la mastication. Or, lorsque le cheval mastique, il secrète de la salive riche en bicarbonates, ce qui va contribuer à neutraliser l’acidité de l’estomac. Ainsi, le pH gastrique du cheval reste relativement stable au cours du temps.
💡 Recommandations :
Distribuer 7 à 9 kg de foin par jour pour un cheval de 500 kg.
En plus de stimuler la sécrétion de salive, les fourrages riches en calcium et protéines (foin de luzerne) ont un pouvoir tampon intrinsèque qui permet de lutter contre l’acidité gastrique.
2. Limiter les périodes de jeûne
Dans la nature, l’alimentation est la première activité du cheval qui passe environ 60% de son temps à manger (soit 15 à 16 h par jour !). Si des périodes de jeûne prolongé (plus de 4 heures), sans fourrage et donc sans sécrétion de salive associée à leur mastication, surviennent, le pH gastrique va descendre. Par conséquent, la muqueuse de l’estomac sera exposée à l’acidité.
De plus, le fait que l’estomac soit vide peut favoriser un reflux du duodénum vers l’estomac, ce qui provoque un afflux de bile très corrosive pour la muqueuse dans l’estomac. Ces conditions de jeûne sont propices à l’apparition des ulcères. Il est donc primordial de mettre du foin à disposition fréquemment. Le filet à foin se révèle être une excellente alternative.
3. Rester vigilant avec l’énergie glucidique (les “sucres”)
Il est important d’apporter des glucides très digestibles et donc rapidement fermentescibles (avoine, blé, flocons de céréales, mélasse) en quantité maîtrisée et en adéquation avec les besoins du cheval. En effet, ces derniers sont transformés dans l’estomac en acides gras volatils (AGV) et entraînent une augmentation de l’acidité.
Bien entendu, à partir du moment où le cheval pratique une activité sportive, il est indispensable de lui amener suffisamment d’énergie pour couvrir ses besoins.
💡 L’apport de céréales est donc particulièrement intéressant à condition d’utiliser majoritairement celles qui sont le moins susceptibles d’acidifier l’estomac et donc de favoriser l’apparition d’ulcères (orge par exemple).
Il n’est pas question de supprimer les sucres mais de les gérer de manière cohérente dans la ration globale.
4. Privilégiez l’apport en matières grasses
Les lipides sont très intéressants puisqu’ils permettent de fournir suffisamment d’énergie dans un volume alimentaire restreint. Ils permettent donc de diminuer la part de céréales dans la ration pour une valeur énergétique donnée.
De plus, les acides gras essentiels (oméga 3 et 6 : ω3 et ω6) ont la propriété de favoriser la production de mucus et de bicarbonates pour contrer la sécrétion acide. Les ω6 permettent la synthèse d’une molécule appelée prostaglandine E2, qui permet d’induire la production de mucus et de bicarbonates dans l’estomac, ce qui tamponne l’acidité [3].
💡 Veillez à utiliser un aliment pour lequel le ratio ω6/ω3 est équilibré. Contrairement aux aliments complets de bonne qualité, les céréales utilisées habituellement en alimentation équine apportent trop d’ω6 par rapport aux ω3.
Il peut être envisageable d’ajouter de l’huile à une ration : cette dernière va tapisser la muqueuse stomacale pour la protéger contre l’attaque acide. Préférez l’huile de colza, meilleur compromis entre ratio ω6/ω3, facilité de conservation et prix.
5. Fractionner la distribution de la ration
À l’état naturel, le cheval mange tout au long de la journée et ne remplit donc pas complètement son estomac. La majeure partie de la muqueuse squameuse n’est finalement jamais exposée au contenu acide.
Il a par ailleurs été démontré que les repas volumineux et pauvres en fibres retardaient la vidange gastrique [4]. Il en résulte un contact prolongé du contenu gastrique acide avec la muqueuse de l’estomac.
💡 Il convient donc d’éviter de trop remplir l’estomac en fractionnant la distribution de concentrés afin de plafonner les volumes ingérés à un maximum de 0,5% du poids vif par repas (2,5 kg pour un cheval de 500 kg). La distribution de l’aliment en trois repas par jour semble être un minimum.
6. Distribuer les repas à heure fixe
Le cheval a une horloge biologique interne qui influence sa faim et lui permet d’anticiper les sécrétions digestives et de réguler son métabolisme avant un repas. C’est pourquoi le nourrir avec régularité présente pour lui un confort aussi bien biologique que psychologique et permet de limiter son stress, facteur prédisposant aux ulcères gastriques.
7. Gérer le planning de travail par rapport à l’alimentation
Il est déconseillé de travailler un cheval dans les 2h suivant l’ingestion d’un repas de concentrés. Notons par ailleurs qu’il n’est pas plus conseillé de travailler un cheval à jeun depuis plusieurs heures. La muqueuse squameuse se trouve alors fortement exposée aux projections acides secondaires à l’augmentation de pression intra-stomacale due à l’effort physique. Privilégiez donc avant le travail la prise d’un repas léger constitué de fibres.
Dans le commerce, vous pourrez trouver de nombreux aliments adaptés à la problématique des ulcères gastriques. Il suffit ensuite d’en ajuster les quantités pour une utilisation optimale. Gardez tout de même un esprit critique pour les aliments présentés comme étant “spécifiques aux ulcères gastriques”.
En effet, c’est le programme alimentaire global (fourrage + aliment + huile éventuellement + bonne pratiques) qui fait l’efficacité. Un même aliment pourra d’ailleurs être utilisé pour des coliques ou des myosites puisque certaines règles d’or nutritionnelles sont sensiblement les mêmes.
De plus, ne perdez pas de vue qu’un programme alimentaire adapté évite l’apparition ou les récidives de la pathologie mais ne permet en aucun cas de guérir des ulcères déjà existants.
L’utilisation que nous faisons des chevaux explique en grande partie la forte présence des ulcères gastriques. Il nous appartient donc de tout mettre en œuvre pour en limiter l’apparition.
Marine Slove,
Vétérinaire et nutritionniste Destrier
Bibliographie :
[1] M-Y. Doucet et al., “Les ulcères gastriques : physiopathologie, stratégies thérapeutiques et préventives”, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal, C.P. 5000, Saint-Hyacinthe, Québec, Canada, J2S 7C6.
[2] Luthersson et al., “Risk factors associated with equine gastric ulceration syndrome in 201 horses in Denmark”, Equine Vet. J., 41 (7), 625-630, 2009
[3] Cargile J.L. et al. “Effect of dietary corn oil supplementation on equine gastric fluid acid, sodium, and Prostaglandin E2 Content before and during Pentagastrin infusion”, J. Vet.Intern. Med.18 : 545-549, 2004
[4] Marguet C., “Etude de prévalence des ulcères gastriques chez le cheval d’endurance” Thèse d’exercice vétérinaire, 2009