6 questions qu’on s’est tous posées sur la vision du cheval
“Mon cheval a encore fait un refus sur un obstacle rouge… Quand je te dis qu’il n’aime pas cette couleur ! Ça lui fait peur ! Et puis il arrête pas de voir des fantômes dans les bois quand je pars en trotting, je crois qu’il a besoin de lunettes !” Eh oui tiens, comment ils voient les chevaux d’abord ? Si je vous dis que les chevaux ne voient pas le rouge et qu’ils voient aussi bien dans le noir que les chats ? Faisons un petit point sur la vision du cheval.
Table des matières
- Question #1 – D’abord, ça marche comment un oeil ?
- Question #2 – Quelle est la différence entre notre vision et la vision du cheval ?
- Question #3 – Le cheval voit-il vraiment derrière lui ?
- Question #4 – Et comment perçoit-il les couleurs ?
- Question #5 – Est-ce que le cheval voit bien la nuit ?
- Question #6 – Du coup, comment en tenir compte chez le cheval monté ?
Question #1 – D’abord, ça marche comment un oeil ?
Commençons (comme d’hab) par un peu d’anatomie.
L’oeil du cheval ressemble beaucoup à celui de l’homme dans sa structure.
La cornée et le cristallin fonctionnent comme deux lentilles optiques qui vont récupérer la lumière venue de l’extérieur, la concentrer pour finalement former l’image sur la rétine. La rétine est en fait tapissée de petits récepteurs sensibles à différents types de lumière. L’iris, la partie colorée de l’oeil, permet elle de réguler la quantité de lumière envoyée aux récepteurs en se contractant et se relâchant. A ce stade, l’image est à l’envers. Elle est envoyée au cerveau par le nerf optique et c’est le cerveau lui-même qui remet l’image à l’endroit.
Question #2 – Quelle est la différence entre notre vision et la vision du cheval ?
La différence entre la vision de l’homme et celle du cheval se fait par deux biais. Le premier c’est la forme de la pupille qui est allongée et horizontale chez le cheval. Elle est par exemple très clairement verticale chez le chat, et ronde chez l’humain. C’est ce qui permet au cheval d’avoir une vision panoramique.
Le deuxième, ce sont les récepteurs à la lumière. Il en existe plusieurs types : les bâtonnets et les cônes. Les bâtonnets permettent de capter une image même s’il y a peu de lumière. Ce sont eux par exemple qui nous permettent de voir dans une pièce faiblement éclairée. Mais dans ce cas là, pas de couleur, tout est gris ! Si on voit de la couleur c’est grâce aux cônes. Il en existe trois types certains captent la lumière rouge, d’autres la lumière bleue et les derniers la lumière verte. Et c’est en associant les résultats de chaque type de cône qu’on voit toutes les couleurs de notre spectre. La particularité du cheval est que la répartition des types de récepteurs n’est pas la même : le cheval n’a pas de cônes rouges (il a une vision dichromatique) et plus de bâtonnets que l’homme.
Question #3 – Le cheval voit-il vraiment derrière lui ?
Presque oui ! Le fait qu’il ait les yeux sur le côté de la tête lui permet de voir beaucoup mieux que nous sur les côtés et “derrière” lui.
Sur les côtés droit et gauche le cheval ne voit que d’un seul oeil alors qu’en face de de lui il voit de ses deux yeux. Or la perception du relief n’est possible que dans les zones de vision binoculaire. Faites l’expérience, fermez un oeil et tentez d’attraper un objet devant vous. Pas impossible, mais beaucoup plus compliqué que les deux yeux ouverts. Vous avez “perdu” la vision en 3D. Le cheval ne voit donc en 3D que dans une petite zone d’environ 60-65° devant lui.
En fait ses angles morts sont sous son corps, devant son chanfrein (transformez le en licorne, il ne le verra même pas …), derrière sa croupe et sur une région d’environ 1,20m devant ses antérieurs (selon la position de sa tête). Ce qui veut dire que dans la dernière foulée avant un obstacle, le cheval ne voit plus ce qu’il doit sauter !
Aussi, le cheval a une vision “basse” et horizontale, il ne voit pas au dessus de lui, alors que nous on voit un peu au dessus du niveau de nos yeux. En fait il voit un peu comme quand on a une casquette. C’est pour ça qu’il relève fortement la tête quand il entend ou aperçoit quelque chose (des fantômes) !
Question #4 – Et comment perçoit-il les couleurs ?
Et bien le cheval a une vision dichromatique comme je vous l’expliquais au dessus. Ils ne perçoivent pas le rouge. C’est une forme de daltonisme en fait !
Du coup, toute la perception des couleurs est perturbée. Le cheval va voir tout en version “pastel” et dans les tons de marrons jaune bleu gris. Chez l’humain c’est ce qu’on appellerait la “protanopie”. Les chevaux verraient donc à peu près comme ça :
Question #5 – Est-ce que le cheval voit bien la nuit ?
Oui ! Le cheval a en effet plus de bâtonnets que l’homme. Ça implique donc qu’il voit bien mieux que nous la nuit, presque aussi bien que les chats même. Cependant, il a un gros désavantage par rapport aux chats et à nous, c’est qu’il s’accommode beaucoup moins rapidement aux changements de lumière. En effet, dans leur état naturel ces changements sont lents puisqu’ils sont dûs au soleil qui se couche, il faut donc 20 à 30 minutes au cheval pour s’adapter à l’obscurité. Ainsi, lorsqu’on essaie de faire monter le cheval dans un van ou quand on le fait rentrer dans un box sombre, il n’y verra qu’un trou noir ! (Pas cool)
Question #6 – Du coup, comment en tenir compte chez le cheval monté ?
Tout ça a, bien évidemment des conséquences chez le cheval monté, dont il faut être conscient.
En effet, leur champ de vision horizontal et “bas” explique pourquoi le cheval lève la tête quand il va sauter. Ainsi, un cheval qui est sur la main ne verra quasiment que le sol et si il est encapuchonné alors il ne verra que ses antérieurs. Ca devient alors compliqué pour le cheval de sauter. Le risque est même qu’il traverse l’obstacle.
Pour la petite histoire, j’ai essayé de vous faire une petite vidéo en franchissant un petit obstacle une fois en position “normale” et une fois avec une attitude fermée jusqu’au bout, je n’ai jamais réussi… Je vous laisse tester, vous verrez 😉
D’ailleurs, c’est pour ça qu’on considère qu’une position sur la main favorise la soumission du cheval puisqu’il est obligé de s’en remettre à son cavalier pour voir à sa place.
Pour les cavaliers dont les chevaux sont borgnes, le fait de savoir qu’une vision monoculaire perturbe la vision 3D est une information à prendre en compte à tout prix, car d’une part le cheval aura plus de difficulté à estimer sa distance à l’obstacle et quand on aborde un obstacle en sortie de courbe du côté de sa cécité, il peut ne voir l’obstacle qu’au dernier moment ! Vous remarquerez d’ailleurs que les sauts à cette main là seront moins précis (plus de longues ou de petits pieds).
J’espère que grâce à cet article vous y verrez plus clair (petit jeu de mot) sur la manière dont le cheval perçoit le monde, et que ça vous aidera à mieux anticiper ses besoins et ses réactions.
Je veux en savoir plus sur les 5 sens du cheval –> Les fantômes que voit votre cheval sont réels
A très vite pour un prochain article,
Alice Martinez & Camille Saute
Ingénieures R&D chez Equisense
Bibliographie
La vision chez le cheval, Pierre-Louis Toutain – http://www.cheval-iledefrance.com/wp-content/uploads/2011/01/La-vision-du-cheval.pdf
L. Marnay, La vision du cheval, Article Equipaedia, juin 2015 http://www.haras-nationaux.fr/information/accueil-equipaedia/comportement-ethologie-bien-etre/comportement-naturel/la-vision-du-cheval.html
A. Stachurska, M. Pieta, E. Nesteruk, Which obstacles are most problematic for jumping horses? Applied Animal Behaviour Science, Volume 77, Issue 3, 6 June 2002, Pages 197–207
J. Spaas, W. Helsen, M. Adriaenssens, et al., Correlation between dichromatic colour vision and jumping performance in horses, The Veterinary Journal, Volume 202, Issue 1, October 2014, Pages 166–171
P. E. Miller et C. J. Murphy, « Equine Vision », in Equine Ophthalmology, Second Edi., Elsevier, 2011, p. 397‑433.