Comment avoir une main douce à cheval
De nombreux cavaliers ont ce vilain défaut d’avoir la main très dure à cheval, de manière consciente ou pas. Le problème est qu’il est très difficile de s’en défaire. Voyons ensemble ce que c’est que « d’avoir la main douce » à cheval.
Table des matières
Les deux manières d’adoucir sa main à cheval
Le problème de la main dure provient de deux choses :
- la tension dans les rênes qui est trop élevée : le cavalier « tire » trop
- un manque de souplesse dans les mains ou dans les bras : le cavalier est figé
Dans le second cas, le problème ne vient pas forcément de la tension, mais plus de l’incapacité du cavalier à accompagner les mouvements de balancier de son cheval. Le cheval se retrouve alors face à un « mur » de main.
Faisons un petit point sur la tension dans les rênes pour bien comprendre de quoi on parle.
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Tout savoir sur la tension dans les rênes
Une tension c’est une contrainte subie par un matériau, « quand il est soumis, à ses extrémités, à deux forces dirigées vers l’extérieur du solide ». [1] La tension dans les rênes est donc la force qui résulte de l’action de vos mains et de la résistance de la bouche du cheval.
Une tension se mesure normalement en Newton. 1 N correspondant à la force créée par l’application d’un poids de 100 g.
Pour faire plus simple pour la suite, on va parler en kg et non en Newton pour faciliter la compréhension bien que ça ne soit pas tout à fait exact.
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Quels sont les ordres de grandeur des tensions qu’on met dans nos rênes ?
Des valeurs parfois très élevée…
Ce qu’on trouve dans la littérature scientifique varie vraiment beaucoup. D’abord, ça varie avec l’allure, puisque ça va en augmentant : on met moins de tension au pas qu’au trot et qu’au galop, et puis ça varie énormément selon les cavaliers, la discipline et le contexte (dans les transitions par exemple). Les variations sont énormes, puisque ça va d’un facteur de 1 à… 80 !
Au pas, on retrouve des valeurs d’environ 500 g, 2 kg au trot et 3 kg au galop, et à chaque fois sur une seule rêne. Mais ça peut monter beaucoup plus haut ! Il a été vu dans certaines études des valeurs de 150 N, soit environ 15 kg dans chaque rêne, 25 kg dans un cas de transition galop-arrêt, et jusqu’à 40kg chez des trotteurs à haute vitesse. [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]
Une tension qui n’est pas constante…
En plus des valeurs moyennes, ce qu’il faut savoir, c’est que même si parfois on a l’impression que la tension est constante, en fait elle ne l’est pas du tout. On constate des variations cycliques qui dépendent de l’allure. On peut voir sur les courbes de tensions des pics qui sont synchronisés avec les foulées (2 pics par foulée au pas et au trot, 1 pic par foulée au galop).
Et pas symétrique non plus !
La plupart des cavaliers pensent avoir une tension égale et constante dans chaque rêne alors que les courbes et valeurs obtenues prouvent exactement le contraire. La plupart d’entre nous n’avons pas du tout les mêmes valeurs de tension dans les deux rênes ! Et je vous rassure, nos chevaux non plus ! [2] [3] [6] [8] [10]
Prenons l’exemple de ce cavalier professionnel mesuré sur un peu plus de 7 foulées au galop. On voit bien les grands pics à chaque foulée et la grosse différence entre ses deux mains, quand bien même il pensait avoir une tension constante et symétrique !
Quelles valeurs de tension le cheval peut-il supporter ?
Ça, c’est une question encore non élucidée. On ne sait pas donner une valeur limite précise à partir de laquelle la tension devient inconfortable pour les chevaux. [8] [11]
Par contre, une chercheuse a essayé de savoir quelle tension le cheval mettrait sans l’influence du cavalier. Pour ça, elle a pris des chevaux non débourrés, donc non habitués à la présence d’un mors dans leur bouche, leur a mis des rênes fixes et leur a proposé un seau de nourriture. En mesurant la tension qu’ils appliquaient pour aller chercher la nourriture, elle s’est rendu compte que les chevaux appliquaient une tension significativement plus élevée le premier jour de test (1,02 kg en moyenne et 4 kg au maximum), puis les valeurs de tensions diminuaient de jour en jour (600 g en moyenne le 2ème jour et 570 g en moyenne le 3ème jour).
Ca montre bien à quel point les chevaux essayent au maximum d’éviter les tensions trop élevées [11] et on voit bien qu’ils mettent une tension bien inférieure à ce qu’on peut leur imposer…
En quoi une tension trop élevée peut poser problème ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que le maintien d’une tension trop élevée tout le temps compromet l’apprentissage du cheval. En effet, la tension dans les rênes relève du renforcement négatif. Or, pour que le renforcement négatif fonctionne, et donc pour que le cheval comprenne ce que l’on attend de lui, il faut que la pression / la tension cesse à l’instant où il a effectué ce qui était demandé.
Donc si vous demandez à votre cheval une attitude particulière, ou si vous lui demandez de tourner, vous appliquez une tension. Mais dès qu’il est dans l’attitude demandée ou dès qu’il a commencé à tourner, il faut relâcher la tension absolument. Dans le cas contraire, il ne comprend pas ce qui est demandé. Si la tension n’est pas relâchée, le piège se referme lentement sur le cavalier qui va devoir mettre de plus en plus de main, et sur le cheval qui va se durcir de plus en plus.
💡 En savoir plus sur le renforcement négatif : Les 10 principes d’éthologie à connaître absolument pour dresser un cheval
Nos conseils pour avoir une main plus douce à cheval
D’abord, savoir écouter son cheval
La première chose à faire est de savoir détecter les signes que la main est trop dure ou trop figée. Pour cela, votre cheval sera votre meilleur allié, et certaines de ses réactions peuvent vous alerter. S’il ouvre la bouche, s’il grince des dents, s’il passe la langue ou tire la langue sur le côté ou même la rétracte, ce sont autant de signes qui peuvent vous alerter [8].
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Quelques idées d’exercices pour adoucir votre main à cheval
Le travail sur vos sensations et de votre lâcher prise va être primordial pour rendre votre main plus douce à cheval. C’est un travail de longue haleine qui vous attend. Parmi les solutions possibles, en voici quelques unes testées et approuvées par les cavaliers Equisense :
⏩ Résoudre les autres problèmes sous-jacents
Souvent, les cavaliers compensent avec la main un manque de réaction aux jambes de la part du cheval ! Un cheval qui ne se tient pas latéralement aura tendance à pousser le cavalier à agir fort avec sa rêne extérieure, ou à faire des rênes d’appui trop souvent. Le fait de travailler en licol, ou de mettre les rênes sur la muserolle, voire de travailler dans les rênes permet d’identifier ces soucis de réponses aux jambes et de les corriger. Une fois que votre cheval sera parfaitement en équilibre et qu’il répondra à vos jambes et à votre poids du corps, votre souci de main sera résolu à 90%.
⏩ Travailler sur le lâcher prise
Enfin, l’autre difficulté récurrente que rencontrent les cavaliers qui ont la main dure, c’est le besoin de contrôle absolu, et l’absence de lâcher prise !
Essayez de comprendre ce que vous craignez, ce qui vous pousse à avoir la main dure. De quoi avez-vous peur ? Quel comportement essayez-vous d’éviter ? Le fait de conscientiser et d’exprimer clairement cette crainte (qui peut être fondée ou pas), vous permettra déjà de passer un premier cap.
Si besoin, faites-vous accompagner par un préparateur mental ou un coach spécialisé !
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⏩ Travailler sur sa proprioception
La proprioception est l’un des souci principaux des cavaliers qui ont la main dure. Il faut donc travailler sur le fait de recaler ses sensations sur ce qui est juste. Plusieurs techniques s’offrent à vous.
Posez-vous la question suivante : « Sur une échelle de 1 à 10, cette action que je viens de faire vaut un 10, est-ce que je peux obtenir la même chose avec une action qui vaudrait un 9 ? ». Au fur et à mesure, vous serez alors capable d’adoucir votre main.
Installez 2 paires de rênes sur le mors. Faites un noeud sur l’une des paires et laissez-la posée sans y toucher. Sur l’autre paire, ne fermez pas complètement la boucle qui la relie au mors. Ainsi, dès que vous mettrez trop de tension, la rêne se détachera.
Montez avec des rênes très détendues, et remontez dessus petit à petit jusqu’à ce que le cheval fasse ce qui est demandé. Commencez sur des choses simples d’abord : des transitions, se poser sur le mors, etc. Dès que vous sentez de la crispation, recommencez en rallongeant vos rênes.
Faites comme si vous aviez de la pâte à modeler dans les mains pour vous relâcher le plus possible, grattez régulièrement le garrot ou caressez l’encolure de votre cheval pour vous décontracter.
Sur une séance au pas uniquement, mettez-vous sur des rênes mi-longues et essayez de ne faire que des cercles, la piste et des huit de chiffre en vous concentrant uniquement sur la souplesse de vos mains et de vos bras. Essayez de prendre conscience de tous les moments où vous vous figez, et relâchez-vous immédiatement. Imaginez que vous êtes une poupée de chiffon !
Avoir une main douce à cheval est un élément capital de votre réussite, car ça déterminera la bonne entente et la bonne compréhension entre votre cheval et vous.
Armez-vous d’une grosse dose de patience et de beaucoup de lâcher prise. Mais ne soyez pas découragé, la proprioception, ça se travaille très bien !
A bientôt pour un prochain article,
Camille Saute
Cofondatrice d’Equisense
Ingénieure en biomécanique et biomédical