Le taux d’amidon dans les aliments pour chevaux : une valeur sans valeur ?
L’amidon en excès favorise l’apparition de certaines pathologies (coliques, ulcères, myosites etc) : sur ce point, pas de débat ! Pour s’en prémunir, il convient de maîtriser la quantité que le cheval ingère pour ne pas perturber la digestion. A ce titre, la tendance actuelle est de comparer le pourcentage d’amidon de deux aliments et de choisir celui qui a le plus bas. Pourtant, ce raisonnement est extrêmement trompeur ! Car il ne prend pas en compte la concentration énergétique des aliments comparés ni la quantité qu’il va falloir distribuer pour couvrir les besoins du cheval. Explications…
Table des matières
- D’abord, où peut-on trouver le taux d’amidon d’un aliment pour cheval ?
- Comment comparer efficacement deux aliments avec deux taux d’amidon différents ?
- Mais alors, comment s’assurer qu’on donne la bonne quantité d’amidon à son cheval ?
- Le taux d’amidon dans les aliments pour chevaux est donc une valeur … sans valeur
D’abord, où peut-on trouver le taux d’amidon d’un aliment pour cheval ?
Le pourcentage d’amidon n’est pas présent sur l’étiquette. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il ne fait pas partie de la liste réglementaire pour les aliments destinés aux chevaux.
On trouve donc cette information sur la fiche produit de l’aliment, disponible sur internet le plus souvent. Cette fiche produit n’est soumise à aucune obligation réglementaire (hormis l’exactitude des informations qu’elle contient bien entendu). Le fabricant d’aliment n’est donc pas tenu de la fournir et il est libre d’y mettre seulement les informations qu’il juge utiles.
Souvent, le taux d’amidon y est écrit et lorsque c’est le cas, il est exprimé en % ou en g/kg MB (Matière Brute). Par exemple, 18% d’amidon dans un aliment correspond à 180 g d’amidon par kilo d’aliment total.
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Comment comparer efficacement deux aliments avec deux taux d’amidon différents ?
Prenons Caramel, hongre Selle Français de 500 kg, ayant une activité moyenne en CSO, recevant 8 kg de foin nutritif (à 0,59 UFC* et 35 g/kg MADC**) par jour. Pour couvrir ses besoins (notamment ceux imposés par son activité de CSO), il est nécessaire de compléter la ration avec un aliment. De plus, Caramel a tendance à faire des coliques digestives récurrentes : la quantité d’amidon a donc une grande importance dans sa ration. Alice, sa propriétaire, a le choix entre deux aliments :
- Le FLOC ENERGY : floconné à destination des chevaux ayant une activité modérée à intense, à 0,88 UFC qui affiche 22% d’amidon
- Le COLICALM : granulé à destination des chevaux ayant une activité modérée, à 0,70 UFC* qui affiche 18% d’amidon
A priori, Alice pourrait se dire qu’il est de toute évidence préférable d’utiliser le COLICALM puisqu’il affiche 4% de moins d’amidon. D’ailleurs, rien qu’avec l’intitulé des deux aliments, on avait quand même plus envie de lui donner du COLICALM. Mais voilà, Alice est un petit peu plus maligne que ça et compte bien y regarder de plus près !
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Il faut raisonner en besoin (et donc en apport) énergétique global
Pour avoir une comparaison efficace, Alice doit comparer les deux aliments à quantité d’énergie apportée équivalente.
Au vu du poids et de l’activité de Caramel, admettons que ses besoins énergétiques journaliers soient de 7 UFC.
Le foin de cette écurie est distribué à hauteur de 8 kilos (et il n’est pas possible de changer de foin ou d’en distribuer plus, pour des raisons logistiques et économiques). Ce foin apporte donc 4 UFC/jour à notre cheval. Il faut donc que l’aliment apporte 3 UFC (7-4, vous suivez ? 😉) en plus pour couvrir la totalité des besoins.
Vous êtes bon en règle de 3 ? Parce qu’il va falloir faire quelques calculs … Mais rien de compliqué, je vous assure !
Comparons les aliments entre eux
FLOC ENERGY : Amidon = 22%, soit 220 g/kg MB d’amidon. Pour atteindre 3 UFC, il faut en donner 3,4 kg, ce qui correspond à 748 g d’amidon.
NB : Si on ramène ce poids en volume, on obtient environ 7L (car la densité de ce floconné est de 0,5, c’est-à-dire qu’1L = 500g).
COLICALM : Amidon = 18%, soit 180 g/kg MB d’amidon. Pour atteindre 3 UFC, il faut en donner 4,3 kg (un peu plus que le FLOC, ce qui est logique puisque le COLICALM est moins énergétique), ce qui correspond à 774 g d’amidon.
NB : Si on ramène ce poids en volume, on obtient environ 6,5L (car la densité de ce granulé est de 0,65, c’est-à-dire qu’1L = 650g).
En bref, ça donne :
Quantité de fourrages UFC = 4 | Quantité d’aliment en poids Pour 3 UFC | Quantité d’aliment en volume Pour 3 UFC | Quantité d’amidon | |
Ration avec le FLOC ENERGY | 8 kg de foin peu nutritif | 3,4 kg | 7L | 748 g |
Ration avec le COLICALM | 8 kg de foin peu nutritif | 4,3 kg | 6,5L | 774 g |
FLOC ENERGY : 1 ; COLICALM : 0 ! CQFD … Contre toute attente, on s’aperçoit ici qu’il est préférable d’utiliser le FLOC ENERGY car le cheval ingérera un peu moins d’amidon par jour.
Le fait que le COLICALM soit un aliment moins énergétique oblige à en donner plus pour arriver au même niveau énergétique qu’avec la FLOC, ce qui fait que même avec un taux d’amidon plus faible, on donnera une quantité d’amidon plus importante. Autrement dit, le FLOC ENERGY est plus riche en amidon au kilo, mais il faut en donner moins pour obtenir le même résultat en termes d’énergie.
Mais alors, comment s’assurer qu’on donne la bonne quantité d’amidon à son cheval ?
C’est la quantité d’amidon ingérée par jour et par repas qui est importante. Pour un cheval de 500 kg sensible aux coliques digestives comme Caramel, il faudrait rester à :
- moins de 2 grammes d’amidon par kilo par jour soit moins de 1000 g/jour pour un cheval de 500 kg
- moins de 1 gramme d’amidon par kilo par repas : soit moins de 500g/repas pour un cheval de 500 kg
Ici, à condition de donner deux repas par jour, les deux aliments sont dans les clous.
Après, moins on en donne mieux c’est. Il faut garder à l’esprit que ce seuil maximal est indicatif : certains chevaux particulièrement sensibles aux dysbioses intestinales (déséquilibre du microbiote provoquant des fermentations dans le gros intestin à l’origine de coliques) ont un seuil de tolérance à l’amidon plus bas. Il conviendra pour ces chevaux de trouver un aliment énergétique pauvre en amidon (et donc riche en matières grasses pour compenser) et d’en ajuster la quantité.
Le taux d’amidon dans les aliments pour chevaux est donc une valeur … sans valeur
Pour conclure, certes le pourcentage d’amidon est corrélé à la quantité d’amidon par jour ingérée, certes il donne une indication… Mais comme nous venons de le voir, il ne peut pas, à lui seul, être un critère de comparaison de deux aliments. Cela en fait donc une valeur … sans grande valeur.
C’est bien la quantité d’amidon ingérée par jour et par repas qui est beaucoup plus intéressante, or elle dépend fortement de la quantité d’aliment distribuée qui dépend elle-même des besoins énergétiques du cheval.
Marine Slove
Vétérinaire et nutritionniste Destrier
*UFC = Unité Fourragère Cheval : correspond à la valeur énergétique d’un kilo d’orge standard (soit 2200 kcal d’énergie nette chez le cheval à l’entretien).
*MADC = Matières Azotées Digestibles Cheval : système d’évaluation des besoins et des apports protéiques établi par l’INRA (car les protéines doivent être digestibles pour être utiles au cheval sur le plan métabolique).