Ça sert à quoi de trotter enlevé « sur le bon diagonal » ?
Je sais pas vous, mais moi j’ai encore des très bons souvenirs de cette période où on m’apprenait à trotter enlevé sur « le bon diagonal ». Je ne sais pas qui a inventé cette notion de bon ou mauvais diagonal, mais à ce moment là je l’ai maudit !
Parce qu’en vrai c’est une bonne question : Pourquoi ça serait le bon ou le mauvais diagonal et ça sert à quoi de trotter plutôt sur l’un ou sur l’autre ?
Mise à jour : juin 2018
Table des matières
C’est quoi « le bon diagonal » au trot enlevé en fait ?
Et bien figurez vous que ça dépend de ce qu’on vous a appris ! Ça n’est pas un consensus international. Donc dans une écurie on pourra vous apprendre à trotter sur le diagonal extérieur, dans une autre on vous apprendra à trotter sur le diagonal intérieur….
Trotter enlevé sur le diagonal extérieur
La légende dit que ça s’appelle « Trotter à la française » 🇫🇷. Lorsqu’on trotte à la française, on se lève lorsque l’épaule extérieure s’avance.
Trotter enlevé sur le diagonal intérieur
La légende urbaine dit que ça s’appelle « trotter à l’allemande » 🇩🇪. Mais de nombreux cavaliers allemands nous ont dit qu’en fait ils avaient appris « à la française ». Le mystère de ce combat France / Allemagne reste entier 🤷♀️.
Toujours est-il que dans ce cas là le cavalier se lève lorsque l’épaule intérieure s’avance. Il va donc s’asseoir lorsque le diagonal extérieur (antérieur extérieur et postérieur intérieur) est levé et au soutien.
Mais tout ça vous le saviez déjà. Alors quel est l’intérêt ?
Ça change quoi de trotter enlevé sur le diagonal extérieur ou intérieur ? 🧐
C’est là tout l’intérêt de la question en fait.
Trotter sur le diagonal extérieur permet de gérer l’équilibre
Quand le cheval est sur une courbe il aura tendance à se pencher vers l’intérieur pour compenser l’effet de la force centrifuge.
La force centrifuge ?
Mais oui ! Vous la connaissez bien ! Par exemple, lorsque vous êtes en voiture et que le véhicule tourne brusquement, vous êtes projetés vers l’extérieur du tournant. C’est ça la force centrifuge !
Eh bien pour compenser cette force là, le cheval se penche vers l’intérieur. Exactement comme un motard !
Sauf que nous à cheval, on ne veut pas ressembler à des motards. Du coup on essaye de compenser ce que fait le cheval. La majorité du poids se trouvant sur les antérieurs, en s’asseyant avec l’épaule extérieure ça remet du poids sur l’extérieur et ça permet de redresser le cheval.
Trotter sur le diagonal intérieur permet de mieux stimuler le postérieur interne
Revenons sur un peu d’anatomie pour comprendre en quoi cette situation est intéressante.
Les muscles indiqués en vert sur l’image font partie de la chaîne des fléchisseurs ou chaine ventrale.
Je vous expliquais leur importance dans l’article « 3 choses à savoir pour muscler efficacement le dos de votre cheval ». Les muscles fléchisseurs et surtout les abdominaux vont permettre d’engager les postérieurs lorsqu’ils se contractent [3].
Lorsque le cavalier trotte sur le diagonal intérieur, il est assis lorsque le postérieur intérieur s’engage. Il est donc dans la meilleure position pour agir sur les abdominaux grâce à une action de jambe.
En effet, lorsqu’on “pique” un muscle, il aura tendance à se contracter [3]. Si vous voulez vous en assurer, plantez donc un doigt dans les côtes de votre voisin et observez le résultat ! 👉🏻
Le fait d’agir à ce moment là favorise donc un meilleur engagement du postérieur interne !
Si on résume…
- Trotter enlevé sur le diagonal interne (ou « à l’allemande » 🇩🇪) peut permettre de demander un meilleur engagement du postérieur intérieur
- Trotter enlevé sur le diagonal externe (ou « à la française » 🇫🇷) permet d’éviter que le cheval ne se couche trop sur l’épaule interne.
Du coup, la prochaine fois qu’on vous dit “T’es pas sur le bon diagonal !” vous pourrez répondre, “Je préfère trotter à l’allemande pour favoriser l’engagement du postérieur interne” ET TOC ! 😝
Et puis d’abord, ça lui change quoi au cheval qu’on trotte enlevé ?
Assis, debout, assis, debout … Quelles sont les conséquences du trot enlevé pour le cheval ?
La force exercée sur le dos du cheval est plus importante pendant la phase « assise »
En fait, lorsque le cavalier est en phase « assis », il met une plus grande force sur le dos de son cheval que lorsqu’il est en phase « debout » [1].
« Comment c’est possible ? Je fais toujours le même poids pourtant ! «
Jetez donc un coup d’oeil au graphique suivant :
Vous pouvez voir l’évolution de la force exercée sur les étriers pendant une foulée de trot enlevé (courbe rose). La foulée commence par la phase debout puis la phase assise. La force exercée sur les étriers est plus forte pendant la phase debout (normal !)
Qu’en est-il de la force exercée sur le dos ?
La force exercée sur le dos du cheval est calculée par deux méthodes. La première est enregistrée par un tapis capteur de pression mis entre le tapis de selle et la selle (courbe orange). La deuxième est une estimation à partir des mouvements du cavalier (courbe jaune). Les deux méthodes montrent bien que la force exercée sur le dos du cheval est plus importante pendant la phase assise du trot enlevé.
Pourquoi ça ??
Et bien en fait, quand le cavalier est en suspension, ses hanches, ses genoux et ses chevilles jouent un rôle d’amortisseurs. D’où l’importance de ne pas être tendu mais de bien accompagner le mouvement avec toutes ces articulations ! C’est ce qui permet de se faire léger dans sa selle.
D’ailleurs, j’en parle plus longuement dans l’article sur l’équilibre du cavalier :
📚 A lire absolument : Comment j’ai réussi à trouver mon équilibre à cheval grâce à William Fox-Pitt
Et au trot assis, ça se passe comment ?
En fait, au trot assis les forces exercées sur le dos du cheval sont même supérieures à la phase assise du trot enlevé [1].
En fait, si on schématise, les mouvements du cheval tendent à « éjecter » le cavalier de sa selle. On le ressent bien au trot assis d’ailleurs puisque tout le but est de s’y opposer. Au contraire, au trot enlevé, le cavalier est éjecté de sa selle et ne s’y oppose pas, il se met donc sur ses étriers et il se rassoit une fois que la deuxième propulsion est passée.
Le fait de s’opposer à ce mouvement là combiné au fait que le point d’appui principal n’est plus l’étrier mais le siège de la selle fait que le cavalier exerce une force supérieure sur le dos de son cheval au trot assis qu’au trot enlevé !
📚 A lire aussi : Comment j’ai amélioré mon trot assis
C’est pour ça qu’on conseille de détendre au trot enlevé avant de passer au trot assis. Vous pouvez d’ailleurs suivre l’évolution de votre détente avec le capteur connecté Equisense Motion et voir l’impact que ça a sur la locomotion de votre cheval !
📚 A lire aussi : Comment bien détendre son cheval en 4 étapes
Donc il est important d’alterner le diagonal sur lequel on trotte pour éviter de charger toujours le même. Vous avez maintenant toutes les cartes en main pour choisir l’école qui conviendra le mieux à votre cheval.
Camille Saute & Alice MARTINEZ
Ingénieures R&D chez Equisense
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Bibliographie
[1] De Cocq, P. , Mariken, A., Clayton, H. M., Bobbert, M. F., Muller, M., & Leeuwen, J. L. Van. (2010). Vertical forces on the horse ’ s back in sitting and rising trot. Journal of Biomechanics, 43(4), 627–631. https://doi.org/10.1016/j.jbiomech.2009.10.036
[2] Martin, P., Cheze, L., Pourcelot, P., Desquilbet, L., Duray, L., Chateau, H., … Lyon, F.-. (2016). Effect of the rider position during rising trot on the horse’s biomechanics ( back and trunk kinematics and pressure under the saddle ). Journal of Biomechanics, 49(7), 1027–1033. https://doi.org/10.1016/j.jbiomech.2016.02.016
[3] Gillian Higgins, Stephanie Martin, “Horse anatomy for performance”, David & Charles, 2012