4 idées reçues sur les vermifuges pour les chevaux
On vous dit vermifuges pour les chevaux ? Vous répondez du tac au tac “Trop facile! Je connais par coeur”. Et bien pourtant, il existe de nombreuses idées reçues sur les vermifuges. Si vous ne savez pas tout, c’est aussi parce que les études qui nous incitent à changer nos pratiques sont récentes et qu’il faut un petit peu de temps pour que les bons réflexes s’installent. Voyons cela en détail.
Image de couverture : Vitalherbs
Idée reçue quand tu nous tiens…
Table des matières
“Il faut absolument vermifuger tous les chevaux.”
C’est FAUX ! 🚫
Pas de panique si vous trouvez un œuf ou un vers esseulé dans un crottin. Le cheval possède naturellement des vers dans son tube digestif.
Le problème, c’est :
- la quantité, ce qui n’est pas trop difficile à comprendre
- la qualité
Et là, c’est un petit peu plus compliqué… Concentrez-vous, je m’explique !
Les gentils et méchants vers
Il y a en fait deux types de parasites :
- Les ”gentils parasites”. Ils sont sensibles aux vermifuges et donc meurent facilement.
- Et les “méchants parasites”. Eux sont chimio-résistants, c’est à dire qu’ils ont la faculté de résister aux vermifuges.
Ces deux catégories proviennent d’un phénomène d’adaptation biologique. A chaque fois qu’on donne du vermifuge à un cheval, on instaure une “pression de sélection”. C’est un peu la loi du plus fort. On tue les plus faibles (nos “gentils parasites”) et seuls les plus résistants survivent (nos “méchants parasites”). On sélectionne donc petit à petit à chaque vermifugation les parasites les plus “méchants” qui se reproduisent entre eux, donnant de nouveaux parasites résistants etc.
Donc ? Vermifuge ou pas ?
Oui, on vermifuge mais de façon raisonnée ! C’est à dire pas trop fréquemment pour ne pas sélectionner les “méchants parasites”.
La solution miracle pour que tous les vers ne deviennent pas de ”méchants vers résistants”, ce sont les les refuges de sensibilité ! C’est un terme un peu barbare mais vous allez comprendre. Un refuge de sensibilité, c’est un cheval peu ou pas traité qui abrite de “gentils parasites”, sensibles aux vermifuges. Vous avez bien lu, il y a des chevaux que l’on peut choisir de traiter très peu, voire pas du tout contre les vers !
Comment savoir si on doit traiter ?
C’est simple. Il suffit de faire ce qu’on appelle une coproscopie. C’est un prélèvement de crottins, que l’on va envoyer au laboratoire pour qu’ils y comptent les œufs de parasites.
Si votre cheval (adulte) a moins de 200 œufs de parasites par gramme de crottin, on ne le vermifuge pas. Il devient alors un refuge de sensibilité et tous les équidés du monde le remercient parce qu’il contribue biologiquement à garantir la survie de l’espèce équine. C’est aussi simple que ça. 👌🏼
L’avenir, c’est la vermifugation sélective des chevaux. Enfin, sauf pour les poulains et yearling pour qui une vermifugation stratégique est recommandée.
“Il faut vermifuger plus souvent les chevaux qui vivent au pré.”
C’est FAUX ! ❌
On a tendance à penser que les chevaux vivant 100% au pré sont plus parasités que ceux qui vivent en box-paddock. On a donc tendance à les vermifuger plus souvent. En fait, tout dépend du milieu de vie. Par exemple, un cheval qui vit dans une grande pâture bien entretenue sera moins parasité qu’un cheval qui vit au box et qui partage, pour sa sortie quotidienne, un paddock où les crottins ne sont pas ramassés.
Dans la plupart des régions d’Europe, deux vermifugations par an sont suffisantes. Cependant et comme vous l’avez déjà compris, il n’y a pas de règle générale (comme toujours en biologie). Aussi, la fréquence des vermifugations doit être adaptée à chaque cheval en fonction de sa propre sensibilité et de la pression parasitaire environnante.
⚠ Faites attention, vermifuger systématiquement 4 à 6 fois par an, mal adapter la dose par rapport au poids (en mettre trop ou pas assez), traiter en plein hiver ou pratiquer le “dose and move” (traiter tous les chevaux d’un même effectif et les transférer sur une nouvelle pâture propre) réduisent considérablement nos chers refuges de sensibilité et favorisent donc l’apparition de résistance chez les parasites. ⚠
“Les vermifuges sont le seul traitement qui existe contre les parasites.”
C’est FAUX ! ❌
Associée à un protocole de vermifugation adapté, la gestion de l’environnement peut contribuer à réduire l’infestation des pâtures. Dans le jargon vétérinaire, on appelle ça un “traitement hygiénique”. Parmi les alternatives:
- Pas de surpâturage (1 cheval par hectare) et ramassage hebdomadaire des crottins (efficace mais fastidieux!), rotation des pâtures.
- Le pâturage alternée ou mixte avec… des ruminants et surtout des moutons qui pâturent l’herbe à un niveau plus bas que les chevaux, ingérant et éliminant ainsi les larves infestantes. La nature est bien faite !
- Et peut-être dans un futur proche le “contrôle biologique” dont le but est la destruction des larves de la pâture. On en rêve même si cette stratégie est encore expérimentale.
“Les parasites ne peuvent pas faire grand mal à mon cheval.”
C’est encore FAUX !❌
On a tendance à considérer le parasitisme comme une maladie banale et sans grande conséquence. Malheureusement, les vétérinaires sont de plus en plus souvent confrontés à des cas de parasitoses incurables. Notamment quand un cheval est infesté par des “méchants parasites” qu’aucun vermifuge ne peut tuer.
Certaines espèces très pathogènes (Strongylus vulgaris) peuvent migrer dans les artères du cheval et les obstruer ou bien dans les intestins et provoquer des coliques vermineuses très sévères.
D’autres (les larves de Cyathostomes) peuvent provoquer un large éventail de signes cliniques (diarrhée, coliques) et aller jusqu’à provoquer la mort (jusqu’à 50% de taux de mortalité). Voilà pourquoi, malheureusement, les résistances aux vermifuges peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Découvrez aussi : Comment réagir face à un cheval en colique ?
Vous connaissez par cœur le fameux “les antibiotiques, c’est pas automatique!”. Je conclurai donc avec “les refuges, c’est mieux que les vermifuges!”.
Alors, familiarisez-vous avec la coproscopie et pratiquez une vermifugation sélective et raisonnée. N’hésitez pas à en parler avec votre vétérinaire traitant. Il sera le plus avisé pour vous conseiller !
Marine Slove
Vétérinaire
Deux articles très intéressants à lire en complément : « Vermifugation » et « La coproscopie »
Références et illustrations
« Les parasites digestifs des équidés: transmission, méthode de lutte, chimiorésistance”, 2011, J. Guillot, M. Krarip Nielsen, A. Meana Manes, F. Beugnet
worm by Sean Maldjian from the Noun Project