Trouver son équilibre à cheval grâce à William Fox Pitt
Quand je travaillais à Saumur (en janvier 2015) avant de me lancer dans l’aventure Equisense, j’ai eu la chance d’assister à une “journée sport” avec comme intervenant William Fox-Pitt. Le thème était “L’équilibre du cavalier”. Et si j’ai choisi de vous écrire un article là dessus, c’est parce que depuis cette journée mon équilibre à cheval a radicalement changé, et je pense que ça peut vous aider aussi.
Pour info, toute cette journée a été filmée. Je vous mets le lien des vidéos des 3 groupes en bas de l’article
Table des matières
- Pourquoi William Fox-Pitt est il parfaitement placé pour parler d’équilibre du cavalier ?
- En quoi c’est important d’avoir un bon équilibre à cheval ?
- Comment William Fox-Pitt nous fait revoir nos acquis concernant l’équilibre du cavalier
- Un peu de biomécanique là dedans
- Retour d’expérience : La révélation
- En conclusion
Pourquoi William Fox-Pitt est il parfaitement placé pour parler d’équilibre du cavalier ?
D’abord, pour ceux qui ne le connaissent pas : William Fox-Pitt est un cavalier anglais de CCE. Il a été le premier britannique à être numéro 1 mondial en CCE. Il a un palmarès impressionnant parmi lesquelles 4 médailles olympiques. C’est également le seul cavalier à avoir gagné 5 des 6 CCI**** au monde (Burghley, Badminton, Luhmuhlen, Rolex Kentucky et Pau).
Et il a la particularité d’être très grand ! Il mesure 1,98m pour 76 kg. Donc un profil un peu atypique dans le milieu du cheval. Comme il le dit lui-même, il n’était pas très athlétique et a eu beaucoup de mal à trouver une position correcte à cheval. Il a donc dû travailler énormément pour acquérir cette position et cet équilibre.
Il en a fait un peu son combat. D’ailleurs il le dit lui même : les cavaliers qui viennent monter chez lui s’ennuient beaucoup. Tant qu’ils n’ont pas trouvé leur bon équilibre et une bonne position, ils ne travaillent que ça.
En quoi c’est important d’avoir un bon équilibre à cheval ?
Selon William Fox-Pitt, un mauvais équilibre à cheval (sur le plat ou à l’obstacle) peut engendrer de nombreux problèmes. Si le cavalier n’est pas en équilibre c’est le cheval qui doit compenser ce déséquilibre. Ainsi, le cheval va se trouver lui même déséquilibré.
William Fox-Pitt fait ainsi le lien avec les embouchures. Si les cavaliers sont amenés à mettre des mors plus durs au chevaux, c’est surtout parce qu’eux mêmes ne sont pas équilibrés. Les chevaux doivent donc porter leurs cavaliers et deviennent plus durs en bouche.
En savoir plus sur les mors : Et au fait, ça agit comment un mors ?
Comment William Fox-Pitt nous fait revoir nos acquis concernant l’équilibre du cavalier
Pour lui le bon équilibre, que l’on soit sur le plat ou à l’obstacle, c’est quand on peut prendre le cavalier dans la position dans laquelle il est à cheval, le poser par terre dans cette position, et que le cavalier tient sur ses pieds. S’il tombe devant ou s’il tombe derrière c’est le cheval qui doit le compenser ce déséquilibre et qui doit le porter. Jusque là tout le monde est à peu près d’accord.
Là où il a fait tomber mes acquis concernant la position en suspension, c’est que lui préconise de monter avec toutes les articulations très fléchies, les épaules en avant de la verticale et les fesses en arrière. Un peu comme quand on fait des squats.
En parlant de squats –> Les muscles du cavalier qui travaillent (et qui font mal)
Il ne préconise donc pas l’alignement constant des épaules, du bassin et des talons comme j’ai pu l’apprendre.
“Souvent sur le cross, entre les obstacles, on voit des cavaliers qui sont tout droit, très rigides, comme des agents de police. Souvent ils touchent la selle a toutes les foulées, et ils ont la jambe qui bouge”
Selon lui, cette position en suspension très fléchie est meilleure pour le cheval entre les obstacles. “Même si ça n’est pas à la mode”. Cette position, qu’il adopte systématiquement entre les obstacles, permet plus de mobilité, plus de souplesse, une plus grande capacité à amortir les mouvements et plus d’indépendance du cavalier par rapport au cheval.
Et cette position ne l’empêche pas de redresser son dos et de s’asseoir à l’abord des obstacles ! Il a justement plus de marge de manoeuvre qu’en position “agent de police” comme il l’appelle. En effet, quand on a déjà le dos droit, c’est plus difficile pour se redresser.
William Fox-Pitt serait-il skieur de bosses dans une autre vie ?
En fait si vous regardez des parcours d’obstacle ou de cross de William Fox-Pitt, vous remarquerez qu’il monte un peu comme un skieur de bosse. Son dos ne bouge que très peu par rapport au sol, par contre ses jambes amortissent tous les mouvements du cheval. Il est finalement relativement indépendant du cheval. Il n’en subit pas les mouvements.
Les étriers, le secret de la réussite ?
La solution pour arriver à ça : raccourcir les étriers. Le problème avec les étriers “trop longs” c’est que le cavalier n’a pas suffisamment de marge de manoeuvre pour fléchir ses articulations tout en restant au dessus de la selle. Dès que le cavalier se fléchit, il touche la selle et donc impacte le cheval.
Certains cavaliers se sentiront plus vulnérable parce qu’ils ont moins de surface de contact avec le ventre du cheval, mais d’après lui, les étriers chaussés plus courts stabilisent beaucoup plus le bas de jambe et donc sécurisent plus le cavalier.
Un peu de biomécanique là dedans
D’abord petite précision vocabulaire. Nous distinguerons ici “en équilibre” de “en suspension”. En effet, “être en équilibre” d’un point de vue biomécanique n’a pas la même signification que d’un point de vue cavalier. Nous garderons le terme “en suspension” pour désigner la position du cavalier qui a les fesses en dehors de la selle.
En quoi cette position apporte t-elle plus de stabilité au cavalier ?
En fait, ce que la biomécanique nous apprend c’est qu’on est en équilibre quand la projection verticale du centre de gravité se trouve dans le polygone de sustentation. Le polygone de sustentation c’est quoi ? C’est la surface créée entre tous les points d’appuis.
Quand vous êtes debout, votre polygone de sustentation c’est donc la surface de vos deux pieds et le rectangle qui les relie. Pour tenir en équilibre il faut que la verticale qui passe par votre centre de gravité, passe dans ce rectangle.
Le fait d’avoir le dos en avant dans une position en suspension n’empêche donc pas du tout d’être en équilibre ! La preuve, si vous vous mettez en position de l’oeuf comme si vous skiiez tout schuss, vous êtes en équilibre.
Là où cette position apporte plus de stabilité que la position que j’appellerai “classique”, c’est qu’en fléchissant plus les articulations le centre de gravité va baisser. Et plus le centre de gravité est bas, plus on est stable !
Mais je vais gêner mon cheval en étant comme ça !
Et bien en fait non. Ce qui gêne plus les chevaux c’est pas la position en soit, c’est plutôt le déséquilibre et le manque d’amortissement. Que vous ayez le dos droit ou penché, si vous êtes en équilibre (à savoir que votre centre de gravité passe dans votre polygone de sustentation), le cheval ne devrait pas ressentir de différence.
Vous pouvez donc avoir le dos parfaitement droit, mais si vous avez les jambes un peu trop en avant, vous ne serez pas “en équilibre”. C’est votre cheval qui compensera la différence.
Ok, mais c’est quand même pas très beau à priori nan ?
Ca je vous laisse en juger par vous-même 😉
- Sur le cross (très marqué)
- Et à l’obstacle (un peu moins marqué)
Retour d’expérience : La révélation
Le soir même après cette journée, j’étais tellement curieuse après avoir vu les 3 groupes de cavaliers galérer à adopter cette nouvelle position que j’ai filé aux écuries pour tester.
Je me suis mis un petit cavaletti (70cm) dans la carrière, j’ai raccourci mes étriers de 4 trous, et au travail.
Et là, je me suis revue 15 ans auparavant, en train de faire des tours de manège au trot en équilibre en tenant la crinière, les mains bien devant, mais avec le dos plus incliné, les fesses plus en arrière et avec un maximum de souplesse. Après tout, le ridicule ne tue pas !
J’ai fait la même chose au galop, et j’ai commencé à sauter. J’ai dû faire 50 sauts sur mon pauvre obstacle, aux 3 allures, en laissant ma jument faire. Je ne faisais que me concentrer sur ma position, ma souplesse. Après tout, sur un petit cavaletti, même si les sauts sont moches, on s’en fiche un peu. Le but était uniquement de ressentir les différences. D’ailleurs, les sauts au pas aident énormément à comprendre l’intérêt de cette position.
Et les courbatures furent …
Et je dois vous avouer que ça a été un peu une révélation. C’est dur, je ne vous le cache pas. Ca fait énormément travailler les cuisses pour amortir correctement. J’ai eu des courbatures. C’est perturbant au début, mais je n’ai jamais eu une telle révélation. Tout devenait beaucoup plus facile. J’étais moins “ballotée”, plus souple, plus indépendante. Et surtout j’ai eu la sensation de beaucoup moins gêner ma jument !!
Je n’ai pas du tout la prétention d’avoir la même souplesse et la même aisance que lui à cheval (ça serait un peu osé quand même). Mais après avoir testé cette position là, je peux vous affirmer que ça m’a vraiment aidé à progresser. Je me dis d’ailleurs en écrivant ces lignes qu’il faut que je me refasse une séance de mise en selle pour “remettre les pendules à l’heure”. On prend vite des mauvaises habitudes 😉
En conclusion
Ce que je voudrais que vous reteniez, ça n’est pas “il faut monter avec le dos en avant, c’est mieux”. Non. Le message qu’il faut retenir ici c’est quatre choses :
- Parfois il faut savoir sortir de sa zone de confort et remettre en question quelque chose qu’on pensait acquis, comme sa position en suspension. Nous avons tous nos défauts à cheval, et se mettre dans une situation nouvelle et inconfortable nous permet de progresser. Exactement comme quand on montait à cru pour travailler son assiette !!
- Il faut savoir aussi tester des nouvelles méthodes et ne pas rester “dogmatique”. Les cavaliers comme Fox-Pitt ont beaucoup à nous apprendre.
- D’un point de vue plus équitation : la souplesse et la synchronisation à votre cheval sont essentielles pour progresser et ne pas gêner votre cheval. Ce sont d’ailleurs des paramètres qui distinguent le plus les débutants et les experts selon certaines études.
- Être “en équilibre”, sur le plat ou à l’obstacle, vous permettra de ne pas gêner votre cheval. C’est un fondamental à côté duquel il ne faut pas passer.
Je ne saurais que vous conseiller de faire comme j’ai pu le faire il y a 3 ans maintenant. Raccourcissez vos étriers. Prenez une poignée de crins, et enchaînez les tours de piste au trot et au galop en suspension. Passez de la position “agent de police” à la position “Jockey / skieur de bosse”. Vous finirez par trouver un juste milieu qui vous conviendra.
Et au pire, vous n’avez rien à perdre, ça vous fera faire de la mise en selle 😉 En parlant de ça : 5 exercices de mise en selle pour cavalier fainéant
A bientôt pour un prochain article,
Camille Saute
Responsable R&D chez Equisense
Le site officiel de W. Fox-Pitt : http://www.foxpitteventing.co.uk/
La journée Sport IFCE :
Groupe 1 : https://www.youtube.com/watch?v=ouhKmXqVnrE
Groupe 2 : https://www.youtube.com/watch?v=IFfbZKQeSy8
Groupe 3 : https://www.youtube.com/watch?v=_sFdXnRZtXE
I. A. Wolframm, J. Bosga, et R. G. J. Meulenbroek, « Coordination dynamics in horse-rider dyads », Hum. Mov. Sci., vol. 32, no 1, p. 157‑170, 2013.
Illustrations
Policeman by Gregor Cresnar from the Noun Project
squatting by Blaise Sewell from the Noun Project
foot by boggu from the Noun Project