Tout ce que vous devez savoir sur les enrênements avant d’en utiliser
Les enrênements sont souvent utilisés sans réellement que l’on comprenne leur effets. Pourquoi voit-on de nombreux chevaux de club avec un gogue ? Pourquoi d’autres préfèrent les élastiques ? Et pourquoi de nombreux cavaliers de CSO mettent des martingales à anneaux ? Voici tout ce que vous devez savoir à propos des enrênements.
Table des matières
A quoi servent les enrênements ?
“Les enrênements sont des moyens mécaniques qui agissent sur l’attitude du cheval, généralement sur le placement de la tête et de l’encolure, ainsi que leur angle de fermeture.” (Wikipédia) “Ils ne se substituent pas aux aides du cavalier mais peuvent les compléter” (FFE, 1995)
On peut citer en exemple :
- les rênes allemandes
- les martingales à anneaux ou fixes
- les gogues
- le chambon
- les élastiques (pirellis)
- le pessoa
- etc.
Comme la majorité du matériel utilisé sur nos chevaux, se servir d’un enrênement n’est pas anodin. La décision d’en utiliser doit donc être réfléchie. En conséquence, le choix de l’enrênement doit être le fruit d’un questionnement. Quel est le but recherché ? Modifier une attitude de l’avant-main indésirée ? Fermer l’angle tête-encolure ? Faire baisser l’encolure ?
La question parait simple au premier abord, mais vous verrez qu’elle est primordiale pour le choix du bon enrênement. Ou pour choisir de ne pas en mettre justement !
Comment fonctionnent tous ces enrênements ?
Le commun de tous les enrênements c’est qu’ils vont agir directement ou indirectement sur le mors, donc la bouche du cheval. Un petit rappel de l’action des mors est donc nécessaire.
L’action du mors, l’effet releveur et abaisseur.
Comme vous avez pu le lire dans l’article sur les mors, le canon du mors peut agir de deux manières différentes :
- sur la barre (partie de la gencive où il n’y a pas de dents) ou la langue (selon la forme du canon)
- sur la commissure des lèvres.
Selon le point d’action, l’effet sera “releveur” ou “abaisseur”, c’est comme ça qu’on fait la différence entre les différents mors.
En effet le cheval va toujours avoir tendance à éviter les zones de pressions. Donc si vous agissez sur les barres il va essayer de s’y soustraire en fermant l’angle tête encolure. L’effet est donc abaisseur.
Si vous agissez sur la commissure des lèvres, le cheval va relever la tête. C’est un mors releveur.
L’effet poulie
Vous allez vite comprendre pourquoi le sujet est abordé maintenant. En effet, les enrênements comportent quasiment tous une poulie ou un effet poulie.
Or, la physique nous apprend que l’effet d’une poulie est de décupler les forces et de modifier la direction d’application des forces. En effet, l’endroit où est accroché la poulie subit la somme des forces qui sont appliquées aux deux extrémités de la corde. Cela veut dire que si la poulie est accrochée au mors, le cheval ressentira deux fois la force que vous appliquerez sur les rênes.
Comment tout cela s’applique à nos enrênements ? Prenons plusieurs exemples.
Exemple #1 – Les rênes allemandes
Les rênes allemandes doublent la force appliquée
L’effet poulie est dû au fait que vous passez les rênes allemandes dans l’anneau du mors. Donc si on applique les principes physiques ici, en somme, du fait que la poulie est au niveau du mors, les rênes allemandes peuvent doubler votre force. Si vous appliquez une tension de 3kg dans les rênes, le cheval en ressentira jusqu’à 6kg dans sa bouche.
En fait, cela dépend de l’angle des rênes allemandes. Plus les rênes allemandes seront fixées haut, plus on se rapproche d’un doublement de la force
Les rênes allemandes transforment un effet releveur en un effet abaisseur
Autre conséquence, la direction de votre action de rêne sera modifiée. Même si vous agissez en direction de la commissure des lèvres donc en effet releveur, l’action résultante à la sortie sera vers les barres donc vous aurez un effet abaisseur. Les rênes allemandes transforment donc un effet releveur en effet abaisseur. Elles vont donc avoir pour effet de fermer l’angle tête encolure.
Toutefois, tout ceci est à pondérer car quand les rênes allemandes sont bien réglées, elles sont lâches la plupart du temps. C’est donc votre action de rêne (simple) qui agira en premier. Les rênes allemandes ne font office que de cadre dans le cas où le cheval sortirait de la position qu’on attend de lui.
Cependant, étant donné la dureté de leur action, vous comprendrez qu’il est vivement déconseillé de les utiliser avec un mors qui n’est pas « simple ». Aussi, on comprend facilement que mal utilisées, les rênes allemandes peuvent avoir des effets dévastateurs. D’ailleurs c’est pour ça que la fédération Suisse les a totalement interdites en octobre 2015.
Exemple #2 – La martingale à anneaux
Ça n’est pas exactement la même situation que les rênes allemandes puisque la poulie est fixe. Les deux points mobiles sont la bouche du cheval et votre main.
Retenez qu’il y a toujours la même tension en tout point de vos rênes. De ce fait, la force ressentie par votre cheval sera la même que celle que vous appliquez, et pas le double comme précédemment. En effet, ici la poulie n’est pas au niveau du mors comme c’était le cas avec les rênes allemandes.
L’effet principal de la martingale sera donc un effet abaisseur. En effet, la direction de votre action de main sera modifiée par la présence de la martingale. Toutefois, cet effet sera limité aux moments où la martingale est mise en tension. D’où l’intérêt d’un réglage bien adapté.
Exemple #3 – Le chambon
Le chambon est un enrênement assez simple : un point fixe à la sangle, une poulie à la nuque, et la bouche à l’extrémité. Son action : faire baisser la tête du cheval (flexion cervicale basse) sans fermer l’angle tête-encolure.
La longueur de la corde étant fixe, si le cheval lève la tête, la distance sangle – nuque (SN) va augmenter. Donc la distance nuque – bouche (NB) va diminuer. Ainsi, il va y avoir une action sur les commissures des lèvres vers le haut. C’est donc un effet releveur.
En même temps, il va y avoir une action très forte sur la nuque et dirigée vers le bas, obligeant le cheval à baisser la tête. L’effet est donc un peu contradictoire, et certains chevaux peuvent ne pas le supporter.
Le chambon : à ne pas utiliser au galop !
Attention, l’attitude exigée par le chambon (nuque très basse) n’est pas facile à tenir au galop. Pour rappel, le galop est l’allure à laquelle le balancier de la tête est le plus important (presque 20° entre le point le plus bas et le point le plus haut, alors qu’au trot il n’est que de 5°) (Clayton, 2013). Il n’est donc pas recommandé d’utiliser cet enrênement au galop.
Le chambon ayant pour effet de faire baisser la tête, cela va permettre au dos de se fléchir et donc de se tendre plus facilement. Aussi, si les postérieurs sont engagés, les abdominaux travailleront plus intensément. Je vous conseille la lecture de l’article sur les abdominaux et le dos pour en savoir plus. Aussi, la surcharge de l’avant main qui y est associée fera travailler le poitrail.
En savoir plus : Voici comment muscler le poitrail de son cheval !
D’un point de vue purement locomoteur, les seuls effets mesurés sont l’augmentation de la propulsion des antérieurs au trot (parce qu’ils sont surchargés) et l’augmentation de l’activité des postérieurs au trot. (Biau, 2001)
Exemple #4 – Les élastiques (ou Pirellis)
Leur fonctionnement est très simple. Leur effet l’est aussi : fermer l’angle tête encolure. Un peu comme les rênes allemandes, mais la différence est qu’il n’y a pas d’action de la part du cavalier et pas non plus d’effet poulie. Il n’y donc pas de démultiplication de la force. Comme le matériau est extensible (élastique comme son nom l’indique), le cheval reste maître de la tension appliquée en adaptant son attitude.
Selon l’endroit de fixation des élastiques, les effets seront différents. Ainsi, si on place les élastiques sur le côté, le cheval aura plusieurs possibilités :
- s’il lève la tête et ouvre trop l’angle tête encolure, l’effet sera abaisseur par action sur les barres
- s’il se plaque (nuque très haute et angle tête encolure fermé), l’effet sera abaisseur par action sur la nuque
- au contraire, s’il baisse trop la tête avec l’angle tête encolure ouvert (attitude Chambon), l’effet sera releveur par action sur les commissures des lèvres
- s’il baisse trop la tête l’angle tête encolure fermé (attitude LDR), l’effet sera encore plus abaisseur par action sur les barres
Attention à l’encapuchonnement
Le problème de ce genre d’enrênements c’est que pour se soustraire à leur action, les chevaux n’ont d’autre solution que de s’encapuchonner. Or, ce n’est pas l’effet voulu.
Dans l’étude faite par S.Biau en 2001 où elle comparait les effets de plusieurs enrênements sur la locomotion des chevaux, les élastiques étaient les seuls à ne pas avoir de répercussion sur la locomotion.
5 conseils pour une utilisation raisonnée des enrênements
- Les enrênements peuvent nous être utiles dans certains cas. Toutefois, il ne faut pas oublier que ce sont des montages coercitifs. Ils ne laissent pas le choix au cheval. Utilisez les avec parcimonie et essayez en première intention de trouver une solution alternative.
- Etant donné que (quasiment) tous les enrênements passent par le mors, il faut à tout prix éviter les enrênements sur des mors “composés” ou en tout cas “non simple”.
- Choisissez bien vos enrênements en fonction de l’action que vous voulez avoir. (cf tableau 1)
- Adaptez l’allure et la situation en fonction de l’enrênement choisi. (cf tableau 2)
- Soyez triplement vigilant au réglage des enrênements. Bien réglés ils peuvent vous aider, mais mal réglés ils peuvent causer de graves conséquences.
Quel enrênement choisir ?
Femeture de l’angle tête-encolure | Eviter qu’il ne relève la tête | Remonter la base de l’encolure | Baisser la base de l’encolure | Engagement des postérieurs | |
Ouverture de l’angle tête-encolure | Chambon | ||||
Femeture de l’angle tête-encolure | Rênes allemandes grand triangle Gogue semi commandé | Howlett | Rênes allemandes triangle haut | Rênes allemandes triangle bas | Pessoa triangle haut |
Eviter qu’il ne relève la tête | Gogue indépendant Elastiques Martingales | ||||
Remonter la base de l’encolure | Pessoa triangle haut | ||||
Baisser la base de l’encolure | Gogue commandé | Back Lift | Pessoa triangle bas | ||
Engagement des postérieurs | Pessoa tous montages |
Tableau 1 – Enrênements adaptés selon les effets recherchés
Enrênement | Allure | Utilisation |
Chambon | Pas – trot | Longé |
Gogue Indépendant Semi commandé Commandé | Pas – trot – galop | Longé – monté Monté Monté |
Rênes allemandes Grand triangle Triangle haut Triangle bas | Pas – trot – galop | Longé – monté Longé – monté Longé |
Howlett | Pas – trot – galop | Monté |
Pessoa | Pas – trot – galop | Longé |
Martingale Fixe A anneaux | Pas – trot – galop | Monté Monté |
Elastiques | Pas – trot – galop | Longé – monté |
Tableau 2 – Allure et type de travail selon l’enrênement
En espérant que toutes ces données vous éclairent pour votre travail,
A bientôt pour un prochain article,
Camille Saute,
Responsable R&D
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Bibliographie
DELAVALLE V., Les mors et enrênements : mode d’action, utilisation, application à la biomécanique et au travail du cheval. Thèse pour le doctorat vétérinaire, Lyon, 2003.
BIAU S., COUVE O., LEMAIRE S., BARREY E., The effects of reins on kinetic variables of locomotion. Equine Exercise Physiology 6. Equine Vet. J., Suppl 34, pp 359-362, 2002.
BACK W., CLAYTON H., Equine Locomotion, 2nd Edition. Saunders, 2013.
ROEPSTORFF L., JOHNSTON C., DREVEMO S., GUSTAS P., Influence of draw reins on ground reaction forces at the trot. Equine Exercise Physiology 6. Equine Vet. J., Suppl 34, pp 349-352, 2002.
Fédération Française d’Equitation, Etre Cavalier – Galops 5,6 et 7 – Editions Charles Lavauzelle – Octobre 1995.
http://www.fnch.ch/fr/Cheval/Actualites/Toutes-les-news-1/NOUVEAU-Interdiction-generale-des-renes-allemandes-pour-le-bien-etre-du-cheval-et-pour-la-protection-des-sports-equestres.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Enrênement
Illustrations :
Rênes allemandes By werktuigendagen (originally posted to Flickr as DSC_2109) [CC BY-SA 2.0] (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0)], via Wikimedia Commons
Horse icon created by Evgeni Moryakov form Noun Project
Article très intéressant, comme les précédents ! La phrase à retenir : »essayez en première intention de trouver une solution alternative »!
Pour être complet, vous pourriez insister sur les conséquences d’une action contrainte sur le système bouche-nuque-encolure sur l’ensemble de l’appareil locomoteur : dos, abdominaux, engagement des postérieurs… et faire ainsi le lien avec vos articles sur la locomotion.
Vous pourriez aussi signaler la variation des indicateurs d’Equisense Motion lors d’une correcte ou d’une mauvaise utilisation des enrênements.
Merci encore et bravo !
Des explications claires qui résument bien l’utilisation et les effets des enrênements. Merci beaucoup pour toutes ces explications, continuez à être curieuse car ça vous réussi !
Merci encore et félicitations à vous
Merci beaucoup pour ces explications , tes bien écrites et simple à comprendre , j’ai tout compris !
Bonjour,
J’aime beaucoup vos articles qui permettent de vulgariser pas mal de concepts qui semblent flous de prime abord…
Je me demandais, en complément aux quelques enrênements dont vous avez décrit les actions, s’il serai possible de compléter avec le gogue… Je l’utilise sans en connaître précisément les bienfaits et/ou effets néfastes, et j’aimerais beaucoup avoir un éclairage dessus 🙂
Merci et à bientôt pour un nouvel article !
Bien écris et très claire pour ceux qui ont du mal à s’y retrouver dans le bon fonctionnement des enrênements .
Si on apprenait plutôt à nos montures ce qu’on attend d’eux dans une situation donnée, on n’aurait pas à utiliser (abuser !) de ces instruments de torture, mis trop souvent entre des mains inexpertes et abusivement… Enfin, je dis ça… je dis rien…