Les 5 choses à savoir sur les chaleurs des juments
Ça y est, on est en avril. Et avec lui arrive le retour des chaleurs des juments et peut-être un certain nombre de comportements que vous aviez oublié pendant l’hiver. A ce sujet, vous vous êtes sûrement déjà demandé à quoi les chaleurs des juments pouvaient bien correspondre, biologiquement parlant. Pourquoi les juments ont-elles des chaleurs, contrairement aux femmes ? Est-ce que vraiment, cela influe sur leur comportement ? Et pourquoi ces périodes ne se produisent-elles pas en continue toute l’année ?
Ah, ah, les mystères de la nature ! Après lecture de cet article, tout ceci n’aura plus aucun secret pour vous !
Mis à jour le 20/04/21
Table des matières
- Les juments ont-elles un cycle, comme les femmes ?
- Que se passe-t-il pendant le cycle des juments ?
- Et les hormones dans tout ça ?
- Mais alors les chaleurs des juments ne correspondent pas aux règles des femmes ?
- Comment est-ce possible que les chaleurs des juments s’arrêtent en hiver ?
- Les chaleurs des juments, en résumé …
Les juments ont-elles un cycle, comme les femmes ?
Et oui mais avec une particularité en plus : la jument a une activité ovarienne cyclique saisonnière. C’est à dire qu’elle enchaîne les cycles mais uniquement pendant la “belle saison”, d’avril à octobre en général. Cependant, notons que certaines juments sont cyclées toute l’année, les règles de la nature n’étant jamais rigides.
Pendant la saison de reproduction, la jument alterne des phases de chaleurs (on appelle cela l’oestrus) pendant lesquelles elle accepte l’étalon, avec des phases dites d’interoestrus, pendant lesquelles elle refuse l’accouplement.
L’ovulation a lieu pendant l’oestrus et un cycle oestral correspond à l’intervalle entre 2 ovulations.
La durée moyenne du cycle est de 21 à 22 jours (avec des extrêmes allant de 18 à 24 jours). C’est la durée de l’oestrus qui augmente cette variabilité (en moyenne 4 à 7 jours avec des extrêmes allant de 2 à 15 jours !)
A l’inverse, je ne vous apprends rien, les femmes sont cyclées toute l’année, été comme hiver. Et chez nous, le cycle est en moyenne de 28 jours (avec des extrêmes allant de 23 à 35 jours).
La minute évolutionniste de Mr Darwin
La fertilité ininterrompue dans l’espèce humaine serait un avantage évolutif destiné à notre survie. 👍 En effet, le bébé humain, contrairement à l’immense majorité des autres mammifères, ne vient pas au monde autonome. Il nécessite des soins pendant de nombreux mois. En plus, les femmes n’ont la plupart du temps qu’un enfant à la fois. La capacité d’ovuler chaque mois et de se reproduire à n’importe quel moment de l’année a peut-être permis que l’espèce humaine puisse survivre à une époque où la mortalité maternelle et infantile était très élevée. Voilà, comme ça mesdames, vous savez pourquoi Dame Nature nous a donné ce formidable cadeau. (C’est du sarcasme 😅)
Que se passe-t-il pendant le cycle des juments ?
Le cycle ovarien est constitué de 2 grandes phases :
Phase #1 – La phase folliculaire
Pendant cette phase, un petit nombre d’ovocytes (correspondent au stade terminal de la fabrication de l’ovule) contenus dans les ovaires mûrissent à l’intérieur d’une petite poche qu’on nomme un follicule. C’est la période d’oestrus chez la jument (qui dure 4 à 7 jours). Pendant cette période, la jument accepte la saillie de l’étalon et son appareil reproductif est apte à la fécondation.
C’est à ce moment là que vous pouvez observer des signaux particuliers de jument dite “pisseuse” :
- position campée
- queue relevée
- contractions vulvaires
- jets d’urine
- “clignotement” du clitoris
Votre jument exprime alors ses chaleurs et peut même avoir mal aux ovaires (soyez plus compréhensif avec elle 😉).
C’est très différent chez la femme puisque cette période est plus longue et ne se traduit pas par des signes visibles. Elle commence le premier jour des règles et dure en moyenne 14 jours. Lorsque la maturation est terminée, l’un des ovocytes est expulsé de son follicule et passe dans la trompe. C’est l’ovulation, qui a lieu à J3 à J5 chez la jument contre J14 chez la femme.
Phase #2 – La phase lutéale
Chez la jument, cette phase correspond à l’interoestrus. La jument refuse l’accouplement et son appareil reproducteur n’est plus apte à recevoir la fécondation. En revanche, il permet le développement d’un éventuel embryon.
Cette phase dure en moyenne 14 à 15 jour, comme chez nous. Pendant cette deuxième phase, les ovaires sont stimulés par une glande du cerveau (appelé l’hypophyse) pour produire des hormones qui vont préparer l’endomètre (revêtement intérieur de l’utérus) à recevoir un potentiel embryon.
Aussi, pendant cette phase, la jument n’exprime pas de signes particuliers. Ainsi, si mademoiselle est chatouilleuse ou impatiente, on ne peut pas le mettre sur le dos de son cycle 😄.
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Et les hormones dans tout ça ?
Je ne vais rien vous apprendre, tout le cycle est sous contrôle hormonal. Le déroulement régulier des cycles repose sur l’équilibre entre les hormones produites par le cerveau, les ovaires et l’utérus !
C’est assez complexe (même si vous avez vu ça en cours de SVT en 3ème et Terminale 🙃). Donc je vous la fait courte avec deux schémas :
Est-ce que toutes ces hormones influencent notre comportement et celui de nos chevaux ? Probablement oui… Dans quelle proportion ? Vaste débat…
Mais alors les chaleurs des juments ne correspondent pas aux règles des femmes ?
En effet, vous avez tout compris, cela n’est pas du tout la même chose !
Les chaleurs d’une jument correspondent à l’oestrus, c’est à dire à la phase folliculaire des ovaires. Elles s’expriment par un certain nombre de comportements caractéristiques qui indiquent au mâles qu’elle est prête à être fécondée. Rien de tel chez la femme qui pendant sa période d’ovulation n’exprime pas de signes extérieurs visibles. Avouons que ça serait bizarre 😂.
Il n’y a pas de phase d’oestrus à proprement parler chez la femme, même s’il y a une phase folliculaire. Les hormones fabriquées par l’ovaire préparent l’ovulation et épaississent l’endomètre (la paroi intérieure de l’utérus). S’il n’y a pas de fécondation à ce moment-là, l’ovocyte meurt au bout d’une journée mais l’ovaire continue à fabriquer des hormones pendant environ 14 jours. Puis, ces hormones cessent d’être sécrétées et l’endomètre se détache pour être évacué : ce sont les règles (ou menstruations).
Chez la jument, il n’y a pas de règles tout simplement parce que la muqueuse utérine ne vit pas de cycle. L’endomètre ne s’épaissit pas en prévision d’une hypothétique fécondation, il ne s’épaissira que s’il y a bel et bien fécondation ! En réalité, la plupart des mammifères sont comme les chevaux et n’ont pas de menstruation. C’est plutôt nous l’exception ! Seuls certains primates (grands singes), la musaraigne-éléphant et quelques espèces de chauves-souris sont comme nous. Et oui, pas de chance… 🤷♀️
Allez, je vous remets en parallèle le cycle ovarien, le cycle hormonal et le cycle menstruel que vous remettiez tout au clair dans votre tête :
La minute évolutionniste de Mr Darwin
Avoir des règles semble moins efficace pour le corps que de ne pas en avoir. Alors pourquoi les humains sont-il soumis à cette exigence biologique ?
Il y a plusieurs hypothèses évolutionnistes sur la question mais une étude de 2011 [D. Emera et al.] suggère une théorie intéressante. Cela résulterait d’un conflit mère-foetus. La mère et le fœtus ont une relation contradictoire. En effet, l’intérêt majeur de la mère est de survivre à sa grossesse pour pouvoir porter d’autres enfants. Le fœtus, quant à lui, s’accapare le corps de sa mère, parfois à son détriment.
Les règles seraient donc la conséquence d’une autodéfense. Les femmes fabriquent cette muqueuse utérine épaissie pour se protéger et s’isoler d’un embryon très “gourmand” et de son placenta “égoïste”. Nos embryons étant particulièrement invasifs, il serait trop tard pour nous d’attendre l’implantation. Cette barrière est donc préventive.
Encore mieux que ça : ce phénomène permettrait de sélectionner les individus viables. En effet, la muqueuse utérine permet de détecter les anomalies chromosomiques et de déclencher, le cas échéant, une fausse-couche. Il semblerait que Dame Nature ait plus d’un tour dans son sac ! 👌🏼
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Comment est-ce possible que les chaleurs des juments s’arrêtent en hiver ?
Quand je vous disais que Dame Nature en a sous le pied ! C’est la photopériode (la durée de l’éclairement journalier) qui, par le biais de la rétine, va agir directement sur le cycle.
Et oui, ça paraît dingue mais c’est possible grâce à la glande pinéale (toujours la même) située dans le cerveau. On n’en connaît pas tout le mécanisme à ce jour mais on sait qu’elle régule la sécrétion de mélatonine (vous savez, cette hormone qu’on prend pour les troubles du sommeil ou le décalage horaire), elle-même impliquée dans la régulation des hormones sexuelles.
Schématiquement, ça donne ça :
C’est pour ça que quand on veut faire des poulains plus tôt dans l’année (comme dans le monde des courses par exemple), on met les juments sous lampe pour augmenter artificiellement la photopériode et ainsi faire débuter leurs cycles plus tôt.
Les chaleurs des juments, en résumé …
Pour résumer tout cela, retenez que :
- Les juments ont une activité ovarienne saisonnière;
- Cette saisonnalité est liée à la luminosité qui baisse pendant l’hiver et bloque le cycle;
- Les juments ont les mêmes phases de cycle ovarien que nous, mais elles n’ont pas la même durée;
- Les chaleurs des juments se déclenchent pendant la phase folliculaire, c’est à dire juste avant l’ovulation;
- Enfin, les juments n’ont pas de règles car leur muqueuse utérine ne se développe que lorsqu’il y a fécondation.
J’espère que la lecture de cet article vous a autant passionné que moi lorsque je l’ai écrit.
A bientôt 😃
Marine Slove,
Vétérinaire
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Bibliographie :
T. Blanchard, D. Varner, J. Schumacher, C. Love, S. Brinsko, S. Rigby, “Manuel de reproduction équine”, édition Maloine, 2005.
M. Winckler, “Tout ce que vous vouliez savoir sur les règles… sans jamais avoir osé le demander”, éditions Fleurus, collection “La santé en questions”, 2008.
D. Emera, R. Romero, G. Wagner G, “The evolution of menstruation: A new model for genetic assimilation”, Bioessays. 2012 Jan; 34(1): 26–35.
A. Margat, « La fertilité de la jument », Equipaedia, 2017. [En ligne]. Disponible sur : Equipaedia [Consulté le: 16-avril-2018].
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