Voici la seule manière de travailler le cardio de votre cheval
Votre cheval a tendance a fatiguer très vite et à suer beaucoup même sur des petites séance ? Ou bien vous voulez le préparer pour sortir en complet ? Bref, vous voulez le faire gagner en condition physique / améliorer sa mise en souffle / travailler son cardio ? Je vous donne ici LA SEULE manière d’y arriver.
Table des matières
Les particularités de l’appareil cardio-respiratoire du cheval – comparaison avec l’Homme
Pour savoir comment l’entraîner, il faut déjà savoir de quoi il est composé et comment ça fonctionne ! Alors on commence par un peu d’anatomie.
Le système cardio-respiratoire du cheval possdès des particularités physiques notables et qui ont des conséquences importantes dans la gestion de l’entraînement.
Le coeur du cheval
Première particularité : le cheval a un coeur énorme. Il mesure 25 à 30 cm de long, pour un diamètre d’environ 20 cm [1]. En comparaison, un ballon de basket fait environ 24 cm de diamètre.
Au niveau poids, il fait environ 4 kg, ce qui représente 0,7 à 0,9% du poids corporel (ça dépend de la race en fait) [1].
En comparaison, le coeur de l’Homme mesure 12 cm de long pour un diamètre de 9cm et il pèse entre 280 et 300g ce qui représente environ 0.4% du poids corporel [2].
Proportionnellement, le cheval nous bat largement !
Deuxième chose : son coeur est beaucoup plus efficace que le nôtre. Il bat déjà beaucoup moins vite au repos : 28 à 40 battements par minute [1] contre 60 à 80 pour nous [2].
Si sa fréquence cardiaque au repos est plus faible, sa fréquence cardiaque (FC) à l’effort est plus élevée que la nôtre.
La FC maximale du cheval peut atteindre 220 – 240 bpm. Chez l’Homme c’est (220 – âge) (donc aux alentours de 200 bpm pour quelqu’un de 20ans). Il faut savoir que le cheval constitue une exception puisque “normalement” plus les animaux sont grands, plus leur FC max est faible. Or ça n’est pas le cas pour eux. [1]
A l’effort, le débit cardiaque du cheval peut être multiplié par 9 à 12 pour atteindre les 400L de sang pompés / min, alors qu’il n’est multiplié que par 5 à 7 chez l’Homme.[1]
Tout ça fait que le coeur du cheval est une machine redoutablement efficace. Ça explique la supériorité athlétique du cheval par rapport à l’Homme.
📚 A lire aussi : Les arythmies chez le cheval, est-ce grave ?
Les poumons du cheval
Si là aussi, leurs poumons sont très gros, leur système respiratoire constitue malgré tout leur limite physiologique à l’exercice. Chez l’Homme c’est le coeur qui est limitant.
Les poumons du cheval pèsent environ 7 kg, soit environ 1,5% du poids corporel total, ce qui est proportionnellement pareil chez l’Homme chez qui les poumons pèsent environ 850g.
La fréquence respiratoire du cheval est similaire à celle de l’Homme au repos : 8 à 15 mouvements respiratoires par minute. La ventilation au repos est par contre 10 fois supérieure à celle de l’Homme : 66 L/min pour le cheval contre 5,4L/min.
D’un point de vue capacité, les poumons des chevaux peuvent contenir environ 50L d’air contre 6 ou 7 chez l’Homme. [1]
Par contre, ce qu’on appelle “l’espace mort”, c’est à dire le volume d’air qui rentre mais qui ne sert à rien (c’est la somme du volume des naseaux et de toute la tuyauterie respiratoire) représente 60% du volume inspiré contre 30% chez l’Homme [1] !! Ça veut dire, pour faire simple, que 60% de l’air qu’ils inspirent, ne leur sert à rien. C’est colossal !
Les autres particularités de l’appareil respiratoire du cheval
Les chevaux ont plusieurs autres particularités notables d’un point de vue respiratoire.
D’abord les chevaux ne peuvent pas respirer par la bouche à cause de la longueur et de la mobilité de leur palais mou [1]. Ils sont donc contraints de respirer par le nez ce qui est très limitant. En plus, leurs narines sont relativement petites et leurs “conduits respiratoires” sont assez fins. Ceci induit une grande résistance au moment de la respiration. Ils doivent donc “forcer” un peu plus que nous pour respirer.
Je vous invite d’ailleurs à lire notre article sur les bruits respiratoires qui détaille un peu plus l’anatomie des voies respiratoires du cheval.
Ensuite, la fréquence respiratoire chez le cheval est couplée à la fréquence des foulées au galop. Si vous écoutez bien, au galop le cheval expire (souffle) au moment où il pose son dernier antérieur. C’est lié au fait qu’à ce moment là le cheval “lève les fesses et baisse la tête”. À ce moment, tous ses viscères vont être emmenés vers l’avant et vont venir se plaquer sur le diaphragme. Celui ci va appuyer sur les poumons et forcer l’expiration. C’est d’ailleurs plutôt problématique et ça cause ce qu’on appelle une “hypoxémie”. C’est à dire que lors d’efforts intenses et prolongés, le cheval manque d’oxygène. [1]
Pour contrer ce manque en oxygène qui pourrait poser de gros problèmes, le cheval adopte une stratégie assez unique en son genre : la splénocontraction.
Ce mot barbare signifie que lors d’efforts intenses, le cheval contracte sa rate. Pour être plus précis, l’adrénaline libérée entraîne une contraction de la rate. La rate libère alors dans le sang tous les globules rouges qu’elle contenait. Ceux ci vont venir à la rescousse pour capter plus d’oxygène et en apporter plus aux muscles pour qu’ils continuent de fonctionner ! Ainsi, leur hématocrite (le pourcentage du volume occupé par les globules rouge par rapport au volume sanguin total) va passer de 30-40% à 60-70% ! Le cheval n’a donc pas besoin de piqûres d’EPO ni d’entraînement en altitude ! [1]
Qu’est ce qu’on cherche à améliorer grâce à l’entraînement ?
Entrainer son cheval c’est améliorer son système cardio-vasculaire ou son appareil musculaire. Parce que vous ne le savez peut-être pas mais les capacités respiratoires ne sont pas améliorables chez le cheval.
“Les propriétaires de chevaux considèrent souvent que l’entraînement améliore la capacité pulmonaire de leurs chevaux car ceux-ci sont moins essoufflés après l’effort. Ce phénomène n’est pas du à une efficacité accrue du système pulmonaire, mais à une amélioration du métabolisme aérobie, de la thermorégulation et du système cardiovasculaire.” [1]
Chez le cheval on va donc chercher à améliorer sa capacité aérobie et sa résistance. Autrement dit, on va chercher à travailler sur la fréquence cardiaque et la lactatémie (les deux sont liées). Vous vous souvenez des lactates ? On en a déjà parlé dans l’article sur la récupération active.
Les effets de l’entraînement sur la fréquence cardiaque
Concernant la fréquence cardiaque, l’entraînement n’aura pour effet ni d’augmenter la fréquence cardiaque maximale ni de faire baisser la FC de repos (contrairement à l’Homme) [1,3]. Par contre pour un même effort (une même vitesse de galop), la FC sera plus faible chez un cheval bien entraîné. En effet, à force d’être sollicité (“surcharges passagères”), les parois du coeur vont s’épaissir et permettre de pomper plus fort. Ça améliore le transport de l’oxygène et donc au final améliore les capacités aérobies [3] (c’est un des phénomènes parmi d’autres).
Le suivi de la fréquence cardiaque à l’effort est donc vraiment intéressante quand on cherche à améliorer la condition physique de son cheval.
Les effets de l’entraînements sur les lactates
De la même façon que pour la fréquence cardiaque, l’entraînement va contribuer à faire baisser la concentration en lactates pour un même effort. La mesure de la lactatémie est possible grâce à un lactatomètre, mais ça nécessite de prendre une goutte de sang immédiatement après l’effort, ce qui n’est pas réalisable au quotidien.
Deux indicateurs intéressants : la V140 et la V200
En physiologie de l’exercice on parle beaucoup de V140 ou V200 qui sont des indicateurs de l’état d’entraînement du cheval. La V140 ou la V200 ce sont les vitesses auxquelles le cheval aura atteint la fréquence cardiaque de respectivement 140 ou 200 battements par minute.
Le but de l’entraînement c’est donc de faire augmenter ces vitesses (ou de faire baisser la fréquence cardiaque à une vitesse donnée).
L’avantage qu’ont ces indicateurs c’est qu’ils sont “facilement” accessibles (plus que ceux qui concernent les lactates en tout cas) et qu’ils permettent de mesurer objectivement les effets de l’entraînement.
Par exemple, si au début de la saison votre cheval atteint 140 battements par minutes quand il est à la vitesse de 350 m/min et qu’au bout d’un mois d’entrainement sa V140 est passé à 450m/min c’est que votre travail aura porté ses fruits.
Du coup, comment peut-on gérer l’entrainement cardio du cheval ?
En galopant ! Et oui, désolée … Autant pour la musculation vous pouvez en faire au pas et au trot. Autant l’entrainement cardio de votre cheval ne passera que par des phases récurrentes de galop. Pour améliorer sa condition physique, il va donc falloir combiner des plus grandes durées de galop et des efforts plus intenses !
Il n’y a pas d’amélioration des performances sans travail et donc sans fatigue… Or on a facilement tendance à vouloir “économiser son cheval” et donc à ne jamais l’emmener dans des niveaux d’exigence qui lui permettront d’améliorer sa condition physique. Vouloir à tout prix l’économiser peut d’ailleurs compromettre sa santé si vous emmenez un cheval mal entraîné sur un CCI** …
Les tests à l’effort comme point de repère
Pour améliorer l’entraînement du cheval il faut savoir d’où on part, et ça nécessite de faire régulièrement des test à l’effort standardisés où vous devez être équipés d’un GPS et d’un cardiofréquencemètre. Equisense Motion S, notre deuxième produit combine ces deux fonctionnalités.
L’un de ces test à l’effort consiste à enchaîner 6 paliers de 3 min de galop de 350 à 600 m/min en augmentant la vitesse de 50 m/min à chaque fois. Entre chaque palier, 1min de repos au pas est prévue et 5 min de trot seront nécessaires à la fin pour faire récupérer le cheval.
En récupérant les données de Motion S vous obtiendrez une courbe qui évoluera comme celle-ci :
On voit donc sur cet exemple schématisé que le cheval n’a pas atteint sa V200 et que sa V140 est atteinte au 2ème palier de galop soit à ~400m/min.
Attention, ce test là peut-être déjà conséquent pour des chevaux pas entraînés du tout !! Soyez toujours vigilant quant aux réactions de votre cheval. Il ne s’agirait pas de le laisser sur le carreau …
Le programme pour gagner en endurance [6]
Maintenant que vous connaissez l’état d’entraînement de votre cheval vous allez pouvoir travailler sur son endurance.
Cela consiste dans un premier temps à s’imposer une séance de galop par semaine pendant 6 à 8 semaines en complément d’un travail varié les autres jours (plat, obstacle, stretching, gymnastique…).
Une bonne séance de galop dans cette phase là c’est environ 10 minutes de galop à 400 ou 450 m/min suivie de 5 à 10 min de trot pour la récupération active.
📚 A lire aussi : Mais ça sert à quoi en fait la récupération active ?
Attention, selon le niveau de départ de votre cheval, il se peut que ça soit beaucoup trop long 10 min ! C’est encore une fois à adapter selon votre cheval… Dans ce cas commencez par 2 min pendant 1 semaine, puis 3 min puis 4 en allant progressivement.
Je vous ai d’ailleurs concocté un programme d’entrainement dédié à l’amélioration de la condition physique sur l’application Equisense. Il comporte 6 exercices pour vous aider à travailler le galop progressivement.
A l’issue de ces 6 à 8 semaines de préparation vous pourrez refaire un test à l’effort pour voir si la V140 ou V200 a augmenté ou pas !
- ❌ Si non :
- soit l’entraînement n’a pas été “bien conduit” auquel cas il faut recommencer
- soit votre cheval présente des problèmes physiques qu’il faudra chercher à résoudre avec votre vétérinaire.
- ✅ Si par contre vous constatez une amélioration de la V140 ou V200, alors on passe au niveau supérieur de l’entraînement.
💡 A retenir
Il faut donc retenir deux choses de cet article :
- que l’expression “faire de la mise en souffle” est “fausse” puisque le cheval ne peut pas améliorer ses capacités respiratoires.
- La seule et unique manière d’améliorer la condition physique de votre cheval c’est de galoper plus. Pas le choix… Une première étape consiste donc à galoper une fois par semaine, de 2 à 6 min à 400 – 450m/min.
Et vous, vous galopez combien de temps à chaque séance ?
Avant de commencer à « gratter » un peu votre cheval, posez vous la question suivante. « A chaque séance, combien de temps je passe au galop moi ? » . Figurez vous que vous seriez surpris. En 2017, sur toute la communauté des cavaliers qui utilisent Equisense Motion S, la durée moyenne au galop par séance était de … 5,30min ! Pas de quoi travailler le cardio au quotidien …
Et vous, ça donne quoi ?
A très vite pour un prochain article,
Camille Saute
Responsable R&D chez Equisense
Bibliographie
[1] C. Menard, « Etude bibliographique comparée de la physiologie du coureur de fond et du cheval d’endurance : système cardiorespiratoire », Vetagro sup, 2014.
[2] « Coeur », Wikipédia, l’encyclopédie libre. [En ligne]. Disponible sur: https://fr.wikipedia.org/wiki/Cœur#Anatomie_humaine. [Consulté le: 11-sept-2017].
[3] S. Dahl, « Contribution à l’étude de la récupération active chez le trotteur français à l’entrainement. », Ecole vétérinaire de Maisons Alfort, 2005.
[4] E. C. Authie, « Contribution à l’évaluation de la charge de travail des jeunes chevaux de concours complet d’équitation à l’entraînement et en compétition. Comparaison avec une population de chevaux de 7 ans. », Ecole Nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes Atlantique ONIRIS, 2011.
[5] P. Galloux, « Evaluer la condition physique de son cheval pour individualiser son entrainement », Equipaedia, 2016. [En ligne]. Disponible sur: http://www.haras-nationaux.fr/information/accueil-equipaedia/equitation/lentrainement/evaluer-la-condition-physique-de-son-cheval-pour-individualiser-son-entrainement.html. [Consulté le: 12-sept-2017].
[6] P. Galloux, « Programmer son entrainement : exemple du concours complet d’équitation », Equipaedia, 2017. [En ligne]. Disponible sur: http://www.haras-nationaux.fr/information/accueil-equipaedia/equitation/lentrainement/programmer-son-entrainement-exemple-du-concours-complet.html. [Consulté le: 12-sept-2017].
Galloux, Le Concours Complet d’Equitation. Paris, France: Belin, 2011.
Illustrations :
Lungs icon created by Bernar Novalyi from Noun Project
Red blood cells created by Becris from Noun Project
Wind icon created by Grégory Montigny from Noun Project
Cardiology icon created by Delwar Hossain from Noun Project