L’équitation : est-ce vraiment un sport ?
Quel cavalier n’a jamais entendu la phrase : “Tu fais quoi ? De l’équitation ? Mais c’est pas un sport ça, c’est le canasson qui fait tout !” ou encore “Le cheval c’est pas du sport, c’est du transport !”. Quoi de plus rageant que d’entendre ça ?? Et si on s’intéressait aujourd’hui au cavalier pour pouvoir leur répondre avec des éléments objectifs que OUI l’équitation est vraiment un sport ?
Photo de couverture : ©Jérémie Garnier
Table des matières
Une petite définition
Si on en croit le dictionnaire, un sport c’est “l’ensemble des exercices physiques se présentant sous forme de jeux individuels ou collectifs, donnant généralement lieu à compétition, pratiqués en observant certaines règles précises” [1]. Le seul point sur lequel certaines personnes peuvent parfois émettre des doutes c’est l’aspect “exercices physiques”. Commençons donc par comprendre ce qu’est l’effort physique.
En vrai, c’est quoi un effort ?
En général, qui dit effort dit mouvement, et donc muscles. Sauf que c’est comme tout, pour qu’il y ait mouvement il faut qu’il y ait du carburant. Ici, les muscles utilisent de l’ATP. C’est donc cette molécule d’ATP qu’il va falloir fournir au muscle en continu pour pouvoir maintenir un effort.
Les filières énergétiques
On vous l’expliquait déjà dans l’article sur la récupération après l’effort. En fait la particularité du corps humain c’est que selon le type d’effort et selon la durée, l’ATP ne proviendra pas des mêmes sources. Ces différentes façons de créer ou récupérer le carburant (l’ATP) s’appellent les « filières énergétiques ». Elles sont au nombre de 3, les voici :
- la filière anaérobie alactique : Elle concerne les efforts très brefs et très intenses, comme les sauts ou les premières secondes d’une course. Elle utilise les réserves de carburant disponibles dans les cellules musculaires qui sont très limitées. Les déchets qu’elle produit vont servir à régénérer les réserves de carburant. Elle n’utilise pas d’oxygène, d’où le terme « anaérobie ».
- la filière anaérobie lactique : Elle concerne les efforts nécessitant une puissance élevée sur des efforts relativement courts (max. 2min). Cette filière n’utilise pas non plus d’oxygène, mais plutôt le glucose. Toutefois, elle produit un déchet très important : l’acide lactique.
- la filière aérobie : Elle concerne les efforts longs (au delà de 2min) et utilise de l’oxygène et des glucides stockés dans le foie pour synthétiser l’ATP. Au delà de 40 min, l’ATP va même être produite à partir des graisses ! C’est plutôt intéressant !! C’est pour ça que les marathoniens ou les chevaux d’endurance sont aussi fit. Cette filière produit comme déchets de l’eau et du C02 (on transpire et on souffle fort).
Pour résumer, voilà comment les 3 filières s’organisent :
La VO2
Au delà des 2 minutes l’organisme a donc besoin d’un surplus d’oxygène pour pouvoir maintenir l’effort. Bien sûr, plus l’effort est intense plus la quantité d’oxygène utilisée par l’organisme est importante. Cette quantité d’oxygène utilisée, ça s’appelle la VO2 (volume d’oxygène consommé, mesuré en L/min).
C’est cette variable qui est utilisée pour mesurer l’intensité de l’effort. Plus le volume d’oxygène que vous consommez est important (donc plus vous respirez “intensément”), plus l’effort est important ! La VO2max (donc le volume maximal d’oxygène consommé) permet quant à elle de connaître l’effort maximal que peut produire votre corps.
Pour mesurer l’intensité d’un effort on va donc regarder la VO2 du sportif en question sur cet effort, et faire un rapport à sa VO2max. On exprimera donc l’effort en pourcentage de la VO2max.
Par exemple : s’entraîner à 50% de sa VO2max, ça veut dire faire un effort moyen ! Par contre si on approche les 80% de sa VO2max ça commence à piquer un peu.
La bonne nouvelle c’est que vous pouvez agir sur votre VO2max (donc l’augmenter) grâce à l’entraînement 🤓
Et l’équitation alors ça donne quoi ? 🐎
Une étude a été faite sur des cavaliers montant en moyenne 7h par jour (oui, par jour 😱) et en épreuves régionales. Il a été mesuré que lors d’un parcours de 12 obstacles à 1m10, les cavaliers atteignent 75% de leur VO2 max [4] ! C’est non négligeable !! (CQFD, l’équitation est vraiment un sport 😉 )
Si on ajoute à cela le stress de la compétition par exemple, les capacités maximales peuvent être atteintes. Les muscles vont alors manquer d’oxygène, les décisions du cavalier pourront être plus approximatives ce qui va entraîner la faute…
La solution pour s’améliorer et devenir plus performant c’est donc d’améliorer sa VO2 max. Voyons comment faire.
Comment améliorer sa condition physique ? 🏃♀️
D’après l’INSERM (2008), pour améliorer sa condition physique, donc augmenter sa VO2 max, il faut faire un effort physique supérieur à 60% de sa VO2 max pendant 30 à 45 min, 3 à 5 fois par semaine.
Or, lorsque l’on monte à cheval seuls le trot et le galop (en poussant un peu quand même) permettent de dépasser ce seuil de 60% de la VO2max.
Il faudrait donc trotter et galoper 30 à 45 min entre 3 et 5 fois par semaine. L’avantage que vous avez c’est que Equisense Motion vous permet de savoir le temps passé à chaque allure donc vous pouvez voir si vous êtes dans ces seuils là ou pas.
Mais globalement, en montant un seul cheval il est compliqué d’atteindre les recommandations de l’INSERM… En fait, seuls les cavaliers professionnels qui montent plusieurs chevaux par jour les atteignent.
Pour les autres qui voudraient se préparer sérieusement à la compétition le mieux est de coupler l’équitation (une bonne séance de mise en selle de temps en temps 😅 ) à un autre sport comme la course à pied, la natation, le vélo ou la corde à sauter !
En savoir plus : « Comment améliorer la condition physique de son cheval ? »
Comment savoir à quelle intensité s’entraîner ?
Comment calculer le %VO2max de l’effort à partir de la fréquence cardiaque
Bon, comme vous pouvez le voir sur l’image ci-dessus, il est un peu compliqué de mesurer sa VO2 quand on monte à cheval (et pour n’importe quel autre sports en fait). En revanche, il est plus simple de mesurer sa fréquence cardiaque.
Or la bonne nouvelle c’est que la VO2 et la fréquence cardiaque sont liées :
- la fréquence cardiaque maximale (FCmax) correspond à une consommation de 100% d’O2 (donc vous êtes à 100% de la VO2max)
- la fréquence cardiaque de repos (FC repos) correspond à une consommation d’O2 de 0% (donc à 0% de la VO2 max)
Pour calculer le pourcentage de VO2max de l’effort que vous êtes en train de faire, il faut donc :
- commencez par calculer votre fréquence cardiaque maximale = 220 – votre âge
- prenez votre fréquence cardiaque de repos le matin allongé avant de vous lever
Ensuite vous pouvez calculer le %VO2max de l’effort grâce à cette formule savante :
% VO2max = (FC effort – FC repos)/(FC max – FC repos) [6]
Comment s’entraîner efficacement
Par exemple, j’ai 24 ans, ma FCmax sera donc de 196 battements par minutes (bpm). J’ai mesuré ma fréquence cardiaque de repos à 60 bpm.
La correspondance entre la VO2 et la FC donnera donc ça :
VO2 | 0 | 10 | 20 | 30 | 40 | 50 | 60 | 70 | 80 | 90 | 100 |
FC à l’effort (bpm) | 60 | 74 | 87 | 101 | 114 | 128 | 142 | 155 | 169 | 182 | 196 |
Si je choisis de faire de la course à pied par exemple, pour améliorer ma condition physique il faudra que je courre pendant 30 à 45 min à une allure qui permettent de garder ma fréquence cardiaque entre 142 et 169 bpm. Le tout 3 à 5 fois par semaine. Aller au dessus de cette valeur ne permet pas de tenir suffisamment dans la durée donc n’est pas utile dans ce but là. Vous devez donc adapter votre course en fonction de votre fréquence cardiaque.
Si vous ne respectez pas cet intervalle, ça donne la courbe suivante. J’étais dans le rouge, difficile de tenir dans la durée, j’ai craqué sur la fin et ça n’était pas très agréable !
Comment calcule t-on l’énergie dépensée ?
A partir de la VO2, on peut aussi calculer l’énergie qui a été dépensée au cours de l’effort. Un litre d’oxygène utilisé par l’organisme entraîne une consommation de 4,83 kcal [4]. Ce paramètre peut donc nous permettre de comparer le coût énergétique des différents sports.
Sport | temps (min) | Consommation |
Equitation – Entraînement de CSO [4] | 20 | 200 kcal |
Equitation – Trot assis et galop [4] | 30 | 200 kcal |
Natation (~2 km par heure) [7] | 60 | 400 kcal |
Course à pied (à 60% VO2max) [4] | 60 | 600 kcal |
Rapporté à la même durée il est donc aussi physique de faire un entrainement de CSO ou de la course à pied. ET TOC LES GENS QUI DISENT QUE C’EST PAS UN SPORT ! 😁
Voilà vous avez toutes les clefs pour vous préparer cet hiver a la prochaine saison de concours !
Alice Martinez & Camille Saute
Ingénieures R&D chez Equisense
Bibliographie
[1] Dictionnaire Larousse en ligne 2017
[2] Listrat, A., Lebret, B., Louveau, I., Astruc, T., Bonnet, M., Lefaucheur, L., … Bugeon, J. (2016). How Muscle Structure and Composition Influence Meat and Flesh Quality, 2016.
[3] reussirsonbpjeps.com
[4] Cavaliers, C. S. O. (2012). Le cavalier , un sportif de haut niveau trop souvent ignoré Existe-t-il des problèmes de santé spécifiques, 45–55.
[5] Luc, D. (2016). L’effort du cavalier : un sportif à part entière !
[6] Dr Chatard, Lutter contre le dopage en gérant la récupération physique, 2005, université de saint Etienne
[7] nutrition-depenses, www.natationpourtous.com.
Illustrations
Lungs icon created by Bernar Novalyi from the Noun Project