Les 10 principes d’éthologie à connaître absolument pour dresser un cheval
Inutile d’essayer de faire apprendre quoi que ce soit à votre cheval si vous ne savez pas parler son langage. Alors voilà les 10 principes incontournables pour vous faire comprendre, ce qui s’appelle officiellement en éthologie “la théorie de l’apprentissage”.
Table des matières
L’éthologie, la base de travail de toutes les disciplines
Contrairement à ce que nous avons pu entendre pendant longtemps, le travail selon les principes d’éthologie est bel et bien la base de tout le travail que nous pouvons faire avec un cheval.
C’est assez simple, TOUT ce que nous faisons avec nos chevaux relève de l’apprentissage, quelle que soit la discipline et quel que soit l’âge du cheval. Serrer les jambes, marcher en main ou lui demander de tourner à gauche à la réception d’un obstacle, TOUT relève de l’apprentissage, et donc de l’éthologie.
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Le fait de mieux comprendre leurs réactions, leurs motivations et leurs incompréhensions permet donc, d’une part, d’adapter nos réactions à nous, et d’autre part de leur apprendre des nouvelles choses beaucoup plus facilement !
Que vous soyez ou non celui qui l’enseigne au cheval, et même si vous « ne faites pas d’éthologie », il est primordial de comprendre COMMENT apprend et comprend un cheval pour que vous puissiez être précis et efficace dans vos demandes. En effet, si vous ne demandez pas correctement, vous n’obtiendrez pas la réponse attendue.
Les cavaliers font beaucoup d’erreur par manque de connaissance sur le fonctionnement du cheval
Nous cavaliers, faisons beaucoup d’erreurs de manière inconsciente et involontaire, par simple manque de connaissance de la manière dont les chevaux fonctionnent et apprennent. Ce genre de connaissance mériterait d’être plus largement répandue. Si vous avez un peu de temps devant vous, je vous conseille de jeter un oeil à cette démonstration d’Andy Booth, l’un des piliers de l’éthologie, qui devrait vous convaincre :
Les deux manières d’apprendre quelque chose au cheval
Le conditionnement opérant, c’est le fait d’apprendre au cheval à associer consciemment à un ou plusieurs ordres une action / une réponse de sa part. Il existe pour cela deux méthodes. C’est ce qu’on appelle les “renforcements”, en l’occurrence le renforcement positif et le renforcement négatif.
Ainsi, quand nous souhaitons apprendre quelque chose au cheval, deux possibilités s’offrent à nous :
1️⃣ Soit on cherche à lui faire faire une action et dès qu’il l’a faite on lui donne une récompense.
Exemple : “Quand je tape dans le ballon je trouve une carotte en dessous : c’est agréable ! Je vais recommencer pour voir s’il n’y en a pas une autre”. → C’est le renforcement positif (par addition d’une récompense).
2️⃣ Soit on cherche à lui faire faire une action en le mettant dans une situation inconfortable jusqu’à ce qu’il fasse cette action. On retire alors l’inconfort quand il a effectué l’action en question. “Quand elle serre ses jambes sur mes côtes ça ne fait pas du bien, ça n’est pas très agréable, mais si je pars au trot à ce moment là elle arrête de serrer ses jambes alors c’est agréable !”. → C’est le renforcement négatif (par soustraction d’un inconfort).
Positif et négatif ne veulent pas dire ici “bien” ou “mal” mais plutôt “par addition” ou “par soustraction”. En effet, les chevaux n’étant pas doués de langage (en tout cas pas comme nous), il faut leur apprendre en utilisant un langage “universel”. Ce langage est très simple : “C’est agréable / ça fait du bien” et “C’est pas agréable / ça ne fait pas du bien”. C’est ça la base des renforcements.
L’équitation classique est basée quasiment entièrement sur le renforcement négatif
Et vous comprendrez facilement que l’équitation classique est basée quasiment entièrement sur le renforcement négatif ! Nous serrons les jambes pour avancer, nous fermons les doigts pour s’arrêter, nous tirons sur la longe pour les faire avancer, nous utilisons des enrênements pour faire céder … Or le renforcement négatif peut parfois être vécu comme un stress pour le cheval, surtout s’il ne comprend pas ce qui est attendu de lui. Et en y réfléchissant un peu, on se rend facilement compte qu’avec les autres espèces d’animaux nous utilisons beaucoup plus le renforcement positif. D’ailleurs c’est surtout la récompense alimentaire qui est très utilisée. Et ça tombe bien, c’est la plus efficace !
Et la punition là dedans ?
La punition fait aussi partie du conditionnement opérant. On punit quand on veut “décroitre la probabilité d’occurrence ou l’intensité d’un comportement” [2]
Les punitions peuvent aussi être “positives” et “négatives”, dans le même sens que les renforcements :
1️⃣ Soit on retire un stimulus agréable pour punir d’un comportement désagréable.
Exemple : “Quand c’est l’heure de la nourriture et que je gratte par terre, on ne me donne pas à manger” → punition négative (par soustraction)
2️⃣ Soit on ajoute un stimulus désagréable pour punir d’un comportement désagréable.
Exemple : “Quand je mors, je reçois une claque sur le nez, pas très agréable !” → punition positive (par addition)
Le problème de la punition, particulièrement de la punition positive, c’est un problème de timing. Si le cheval ne fait pas l’association entre son action et la punition, il ne peut pas comprendre. OR … la plupart du temps nous utilisons très mal la punition. [1]
Prenons l’exemple du refus à l’obstacle
Prenons l’exemple typique du cheval qui fait un refus à l’obstacle. Le cheval s’arrête, le cavalier se remet bien en selle parce qu’il a été un peu déséquilibré, repart au galop et punit son cheval par un coup de cravache. C’est le cas typique du cheval qui va être puni … pour avoir répondu aux aides du départ au galop ou pour être revenu au calme. Le temps étant très long (plusieurs secondes, c’est très long) entre l’action non désirée du cheval (le refus) et la punition (coup de cravache), le cheval ne peut pas comprendre. C’est une source de stress intense pour le cheval.
Dans ces cas là, il vaut mieux s’abstenir de toute punition.
La punition peut aussi être involontaire. C’est le cas des coups dans la bouche du cheval lors des gros sauts par exemple. Le cheval est puni pour avoir sauté, il ne va pas vouloir y retourner franchement.
Si vous pensez devoir punir votre cheval, pensez donc bien à être très rapide après le stimulus, à retourner au calme très rapidement pour que la punition ne se transforme pas en crainte envers vous. Et/mais surtout … surtout … appliquez une punition MESURÉE. 🙏
Si vous n’avez pas le temps de punir le cheval (cavalier déséquilibré suite au refus), mieux vaut ne rien faire, re-franchir l’obstacle, et renforcer positivement à la réception (gratouillis au garrot par exemple).
Tout est une question de timing
Comme vous l’avez compris, que ça soit pour une punition ou pour un apprentissage, la notion de timing est primordiale. En effet, trop tard c’est … trop tard …
Qu’importe le type de renforcement, si vous attendez trop entre la réaction du cheval et le renforcement ou la punition, il ne pourra pas faire l’association correctement.
Cela parait assez évident sur le papier et ces exemples sont un peu exagérés. Mais dans les faits, la plupart des cavaliers ne respecte pas cette question de timing. Et ce souvent de manière inconsciente.
En effet, on garde tout le temps les jambes serrées pendant le travail (donc on ne relâche pas le stimulus désagréable au moment où le cheval y répond). On donne des petits coups de talons à chaque foulée sans s’en rendre compte. Notre assiette qui travaille trop. On a les doigts qui restent serrés sur les rênes et on applique une tension constante… Tout ça ce sont des actions que nous faisons sans nous en rendre compte et qui perturbent le cheval et son apprentissage. Parce que le timing n’est pas bon, parce qu’on ne relâche pas assez vite voire pas du tout ou parce qu’on ne récompense pas assez vite.
Si les cavaliers desserraient systématiquement les jambes quand le cheval avance, nous n’aurions probablement plus besoin de faire de leçons de jambes.
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Les 10 principes d’éthologie à connaître absolument
Pour finir, voici les 10 principes fondamentaux de la théorie de l’apprentissage selon l’ISES (International Society for Equitation Science). Ces principes établis par des chercheurs spécialistes de l’éthologie vous permettront d’améliorer votre pratique pour avoir un cheval bien dressé, obéissant et bien dans sa tête [2]. 🙏
#1 – Travaillez en respectant le comportement et les capacités cognitives du cheval
Ne pas respecter la nature du cheval et l’empêcher d’exprimer des comportements propres à son espèce, est une source de stress importante et donc un frein à son apprentissage. C’est le cas des chevaux que l’on isole et qui n’ont jamais le droit d’aller renifler les copains. N’oubliez pas, les chevaux dits “mal aimables” sont souvent des chevaux trop isolés. Et les chevaux isolés ne peuvent pas apprendre dans des bonnes conditions.
#2 – Appliquez correctement la théorie de l’apprentissage
… en respectant les types d’apprentissage, en utilisant correctement le renforcement positif et négatif. Et bien-sûr en ne punissant pas si ça n’est pas nécessaire.
#3 – Instaurez des signaux faciles à distinguer
Posez vous cette question simple : ma demande était-elle claire et distincte ? Mon cheval pouvait-il la comprendre ? Lui ai-je vraiment bien demandé ? La plupart du temps, un cheval qui ne fait pas ce qu’on attendait de lui c’est un cheval qui n’a pas compris. D’ailleurs souvent parce que la demande n’était pas claire. Ça n’est pas forcément un cheval qui ne veut pas faire.
#4 – Façonnez progressivement les réponses et les mouvements
Chaque chose en son temps ! “Demander souvent, se contenter de peu, récompenser beaucoup”. Si vous voulez apprendre à votre cheval à faire un appuyer, n’attendez pas de lui qu’il enchaine deux diagonales pour le récompenser. S’il fait un semblant de foulée dans le bon sens et avec la tête bien orientée, c’est déjà une action à récompenser.
#5 – Travaillez les réponses une par une
Appliquer 18 signaux en même temps ne peut pas être intelligible pour le cheval. En fait, ça entraîne même petit à petit une désensibilisation. Pour lui demander une action, décomposez vos signaux dans le temps pour qu’il comprenne là où vous voulez en venir.
#6 – Apprenez-lui une réponse par signal
Chaque signal doit correspondre à une réaction attendue. Si vous serrez vos doigts sur vos rênes et que vous attendez tantôt qu’il s’arrête, tantôt qu’il fasse un salto arrière, il y a peu de chances que vous obteniez quelque chose de précis.
#7 – Instaurez des habitudes
Les mêmes signaux doivent être appliqués au même endroit, dans la même position et dans le même contexte. Si votre cheval a appris à partir au galop quand vous dites “galop” à la longe, n’attendez pas qu’il parte au galop quand il est attaché en salle de pansage. Et surtout ne le punissez pas pour ne pas avoir répond.
#8 – Recherchez la persistance des réponses
C’est le principe du “cheval qui se porte”. Le cheval doit être autonome. Vous ne devez pas redemander la même chose toutes les 3 secondes pour que le comportement dure. Si vous serrez les jambes pour partir au trot, le cheval doit rester au trot jusqu’à ce que vous lui demandiez de repasser au pas.
#9 – Evitez et dissociez les réactions de fuite
“Toute méthode d’entraînement qui cherche volontairement à déclencher des réactions de peur du cheval est à bannir car la peur inhibe l’apprentissage et affecte [considérablement (NDLA)] le bien-être du cheval”.
#10 – Travaillez quand le cheval est calme
Travailler un cheval stressé n’a pas de sens et aucun intérêt car il sera incapable de comprendre ce qu’il fait de bien ou de mal. Si votre cheval est stressé, rien ne sert de travailler !
Voilà ces 10 principes d’éthologie à connaitre absolument par tous les cavaliers. L’apprentissage est un sujet fondamental dans notre relation aux chevaux. De mauvaises réactions de notre part, qu’elles soient voulues ou non, ne peuvent qu’entrainer du stress et du mal être chez le cheval. Comme pour les enfants, l’apprentissage ne se fait jamais sous la contrainte. Le jeu est un fabuleux vecteur d’apprentissage et de complicité. N’hésitez pas à en abuser 😊
Voici une autre vidéo qui devrait vous convaincre d’utiliser un peu plus les principes de l’apprentissage pour travailler votre cheval :
A très vite pour un prochain article,
Camille Saute,
Responsable R&D chez Equisense.
Bibliographie
[1] L. Lansade, M. Vidament, A. C. Grison, et H. Roche, « Principes d’apprentissage », Equipaedia, juillet 2015. [En ligne]. Disponible sur : http://www.haras-nationaux.fr/information/accueil-equipaedia/comportement-ethologie-bien-etre/cheval-et-vie-domestique/principes-dapprentissage.html. [Consulté le: 10-juill-2017].
[2] A. N. McLean, P. D. McGreevy, et J. W. Christensen, « Principles of Learning Theory in Equitation », International Society for Equitation Science. [En ligne]. Disponible sur: http://equitationscience.com/equitation/principles-of-learning-thoery-in-equitation. [Consulté le: 10-juill-2017].